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INVESTISSEMENT SOCIALEMENT RESPONSABLE DANS LE MONDE : AU-DELÀ DE L IMMOBILIER

La pandémie du Covid-19 a envoyé une onde de choc dans le monde avec des conséquences humaines irréversibles, un choc dans la sphère de l économie réelle avec des rétroactions sur l ensemble des marchés immobiliers. Ce choc soudain et l universalité de la crise font penser à une externalité négative, jamais prise en compte dans les modèles d équilibre économiques, financiers ou agendas politiques.

Ces quelques rappels pour signifier que la communauté des scientifiques a interpellé sur ce risque de pandémie depuis plus de dix ans. Les chercheurs montraient des trajectoires dynamiques de contamination et en appelaient à une prise de conscience et des actions coordonnées au niveau mondial. Seul Bill Gates s est fait le chantre de ce combat, son entendement des modèles de diffusion et sa sensibilité au monde l ont amené à présenter ces cas, chez Ted Talk2 ou au G20, mais sans véritable écho chez les grands décideurs. Le risque étant faible, les politiques ne s en sont pas saisis. Cette crise sanitaire ébauche très certainement ce que pourrait être une crise climatique dans un futur proche. Elle aura initié une réaction collective, énergique, puissante, disciplinée pour privilégier le bien commun, la vie humaine et « minimiser » les pertes sociales. Cette crise va laisser des traces durables et profondes et potentiellement accélérer un changement de comportement pour minimiser des risques environnementaux au sens large. Le risque climatique semble lointain, car l horizon d impact est long, de l ordre de 80 ans. Toutefois les modèles des climatologues montrent le caractère irréversible du réchauffement climatique, avec des rétroactions négatives catastrophiques pour l homme.

2- https://www.ted.com/talks/bill_gates_the_next_outbreak_we_re_ not_ready

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Le risque de pandémie avait été pointé par un rapport d Olga Jonas, alors chercheuse à la Banque mondiale en 20141. Elle montrait, démonstration à l appui, comment s en prémunir et militait pour une action collective et coordonnée au niveau mondial. Elle avait raison sur plusieurs éléments : 1) les catastrophes sont souvent le fait des hommes, comme l émission des gaz à effet de serre sur le climat, par exemple ; 2) la crise du H1N1 en 2009, et celle plus lointaine du SRAS en 2003, étaient annonciatrices d un changement de régime ; 3) les infections pulmonaires étaient le risque le plus élevé pour déclencher un « effet papillon » de pandémie ; 4) ce risque était modélisé, à la manière d un risque extrême, systémique comme sur les marchés financiers, très faible probabilité d occurrence, 1 à 3 %, mais aux conséquences élevées en regard du monde globalisé : une perte annuelle estimée à 30 Mds$ par an ; 5) l impact de la pandémie comme choc d offres et de demande était lui aussi bien calibré à 60 % avec des notions de distanciation sociale et de confinement, même si elles n étaient pas verbalisées ainsi. Le taux de mortalité mondial était estimé à 12 %, il est à 7 % en avril, inférieur de 4 points, car les mesures de confinement ont permis d abaisser le populaire R0, le nombre de personnes infectées par une personne contaminée.

1- Des travaux antérieurs de la Banque mondiale datant de 2008 évoquaient déjà le risque épidémiologique, comme risque systémique.

Les fléaux sont une chose commune, mais on croit difficilement aux fléaux lorsqu ils vous tombent sur la tête. Nos concitoyens à cet égard étaient comme tout le monde, ils pensaient à eux-mêmes, ils ne croyaient pas aux fléaux. [ ] Comment auraient-ils pensé à la peste qui supprime l avenir, les déplacements et les discussions ? Ils se croyaient libres, mais personne ne sera jamais libre tant qu il y aura des fléaux.

- Albert Camus, La Peste, 1947

L ESSENTIEL DE L IMMOBILIER / GRAND ANGLE

Par Béatrice Guedj, directrice recherche et innovation, Swiss Life Asset Managers France

35 | Magazine Business Immo #165 Mai 2020