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Peut-on annuler raisonnablement les loyers ?

Dès son premier discours à la Nation du 12 mars 2020 annonçant la mise sous confinement des Français, le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé « le report ou la suspension des loyers », sans autre précision. Au-delà des appels à la solidarité auprès des grands bailleurs, cette annonce s est traduite par l annulation de trois mois de loyers pour les TPE appartenant à l un des secteurs dont l activité est interrompue par l arrêté du 15 mars dernier.

Par Gaël Thomas

mise en léthargie des obligations des parties, comme l évoquaient les jurisconsultes tels que Capitant ou Carbonnier », argumente l avo- cat Gilles Hittinger-Roux dans une tribune adressée à Business Immo début avril. « Des incitations et aides à l attention des bailleurs (comme la déductibilité fiscale de l annulation des loyers qui vient d être votée, ou le report des échéances de crédit) et le soutien des pou- voirs publics aux entreprises sont aussi là, avec l arsenal juridique existant, pour favoriser des solutions concertées », lui répond Gérald Berrebi. La deuxième loi de finances recti- ficative pour 2020, adoptée jeudi 23 avril, a créé une mesure qui permet aux bailleurs de déduire fiscalement les abandons de créances de loyers consentis entre le 15 avril et le 31  décembre 2020  sous certaines conditions, notamment que le locataire et le bailleur soient une entreprise n apparte- nant pas au même groupe. «  Tous les instruments juridiques sont à la disposition du juge, s il souhaite jouer son rôle régulateur, de l exception d inexécution, à l imprévision nouvellement introduite dans notre droit privé, en passant par l obligation de renégocier de bonne foi en présence d un bou- leversement des circonstances. De nombreuses clauses de renonciation, notamment à l impré- vision ou à l exception d inexécution stipulées dans les baux dits investisseurs, risquent par leur radicalité et leur récurrence d être remises en cause par les tribunaux sur le terrain du contrat d adhésion et du déséquilibre signifi- catif introduit dans notre nouveau droit des obligations, car leur portée sera interprétée à la lumière du bouleversement économique », indique Philippe Riglet, qui appelle à bâtir

« un accord temporaire » pendant la période de fermeture des commerces mais aussi celle de la réouverture « avant de retourner à l application du contrat ». «  La revendication radicale d une annula- tion des loyers est tout aussi manichéenne et irréaliste que celle qui tend à obtenir pour cette épidémie la qualification de catastrophe naturelle pour contraindre les assureurs à indemniser : le montant des pertes d exploita- tion subies est supérieur aux fonds propres des assureurs non-vie. Veut-on qu une crise finan- cière s ajoute à celle du commerce ? », conclut Gérald Berrebi.

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Afin d alléger la charge des loyers pour les commerces de taille moyenne ou de taille plus importante, Bercy a nommé une médiatrice des loyers (voir p. 82) pour apporter des solutions, les ten- sions étant en effet particulièrement fortes sur le secteur du commerce. « La solution ne peut pas reposer sur un seul des acteurs de la chaîne, l exploitant, sous peine de voir s effon- drer comme un jeu de dominos l ensemble des pièces de l édifice », prévient Philippe Riglet, avocat associé chez CMS Francis Lefebvre. «  Demander au seul bailleur de subir les conséquences de la crise sur le bail revient à lui demander d assumer indirectement les risques de l exploitation commerciale, lesquels ne lui incombent pourtant pas. Le bailleur n est pas l associé du locataire et il ne profi- tera pas des futurs bénéfices de l exploita- tion  », souligne l avocat Gérald Berrebi. « Emmanuel Macron semble oublier ces petits investisseurs. À ces propriétaires, l État n a rien à demander. Ils feront ce qu ils peuvent et leur situation n est pas plus enviable que celle de leurs locataires. Tout au plus peut-on, lorsque l on est leur conseil et leur gestionnaire, favo- riser des accords, avec des stratégies de report d échéance et de prolongation de baux par exemple, pour reporter en fin de contrat une ou deux échéances, ou des plans d apurement sans pénalité », abonde Christophe Tanay, président de l Union des syndicats de l immobilier (Unis). Quid sur le plan légal ? La question de la force majeure fait débat chez les juristes. « La seule solution pour maintenir le tissu éco- nomique et le contrat est de considérer que la suspension de ce dernier doit s analyser en une

« La médiation est un préalable obligatoire à toute saisine judiciaire » Jean Pinsolle, président de la Chambre nationale des propriétaires

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Lire les tribunes de : Gérald BerrebiGilles Hittinger-Roux Christophe Tanay Philippe Riglet

55 | Magazine Business Immo #165 Mai 2020