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Investissement : baisse des volumes ne rime pas forcément avec grande braderie

L avenir s annonçait pourtant radieux pour l immobilier d entreprise français. Après une année 2019 record, à 35,4 Mds (+16 %), le volume d investissement dans l Hexagone avait bondi de 28 % au 1er trimestre 2020, à 6,2 Mds . Troisième meilleure performance trimestrielle de l histoire après 2006 et 2007. L épidémie de Covid-19 laisse cependant entrevoir des nuages à l horizon, une ombre qui devrait peser lourdement sur les volumes investis. Néanmoins, ceux qui espèrent une baisse marquée des prix pourraient être déçus.

Par Luc-Etienne Rouillard Lafond

investisseurs pourraient toujours avoir des capitaux importants à déployer, on peut s at- tendre à un certain dynamisme du secteur immobilier. »

La renégociation n est pas la norme Le ralentissement des transactions, la chute drastique de la demande placée ter- tiaire (-37 % en Île-de-France au T1 2020) et les doutes sur la capacité des banques à prêter aux investisseurs dans les mêmes proportions auront forcément un impact. « Sans nul doute, le marché de l investisse- ment ne peut pas faire fi de la dégradation des indicateurs macroéconomiques pour l année 2020  et des différents scénarios de reprise pour 2021, avance Magali Marton, directrice des études chez Cushman & Wakefield. L impact sur les valeurs sera dif- férent selon les classes d actifs : plus marqué pour les actifs de commerce et l hôtellerie, moins marqué pour le bureau et la logis- tique. » Déjà, quelques exemples de rené- gociations ou de désistements défraient la chronique. Après avoir tenté le revoir le

prix à la baisse, Orion Capital Managers aurait signifié à Hammerson son intention d abandonner l acquisition d un porte- feuille de retail parks britanniques après avoir conclu une promesse le 21  février dernier au prix de 400 M£. Pour autant, ces demandes sont davantage l exception que la règle, selon Nicolas Verdillon  : « Nonobstant l avancement juridique d ac- cords déjà pris, le marché a acté durant ces dernières semaines de confinement à la fois des promesses de vente et des transferts de pro- priétés initiés sur des bases pré-Covid-19. Sur quelques marchés qui étaient devenus exces- sifs, il peut y avoir des corrections pour fina- liser des accords qui satisfassent les parties. » Il est encore trop tôt pour voir de nombreux investisseurs brader leurs actifs, estime Karim Habra, directeur général pour l Europe et l Asie-Pacifique chez Ivanhoé Cambridge  : « La plupart des acteurs sont bien capitalisés et ne sont pas en détresse. Il est trop tôt aujourd hui pour observer un marché baissier, d autant que le volume de transactions s est nettement ralenti. » Aussi, les transactions pour des actifs plus risqués

sont plus susceptibles de voir l ac- quéreur demander une baisse des prix, selon Stephan von Barczy, directeur du département investis- sement chez JLL : « Sur des actifs dits value added, et avant signature d une promesse de vente, il y a des exemples soit d un retrait de l acquéreur, soit de renégociations entre 5 et 15 %. Ce constat ne s étend pas encore aux actifs core, ce que je n anticipe d ailleurs pas ou seulement de façon marginale. »

Le risque rémunéré Bien que les rendements « prime » enregistrés avant la crise, tant sur le bureau que la logistique, étaient depuis quelques trimestres à des creux historiques, les investisseurs

La crise sanitaire survenue à la mi-mars n aura impacté que la toute fin du trimestre. « Les transactions qui se sont signées en début d année ont été initiées au 2e semestre 2019, dans un contexte de marché extrêmement dynamique et se sont normalement signées au T1. Les impacts du Covid-19  seront donc visibles avec un effet retard aux 2e et 3e trimestres en raison de l impossibilité de signer les actes et de lancer de nouveaux marketings qui déboucheraient sur des signatures à ce moment », rappelle Virginie Houzé, direc- trice études et recherche chez JLL France. Aussi, conséquence du confinement et de la future récession économique qu elle engendre, les volumes investis devraient être beaucoup moins importants au cours des prochains mois. « Dans l immédiat, le marché de l investissement va devoir s adap- ter à une baisse importante de ses volumes transactés liée à des contraintes techniques et aux interrogations sur les conséquences du Covid-19  sur l économie réelle, confirme Nicolas Verdillon, Executive Director Investment Properties chez CBRE. La crise actuelle n empêche pas certains acteurs de chercher à déployer leurs capitaux disponibles, toujours importants. Ceci étant, il est certain qu une autre par- tie des investisseurs s est mise en mode pause tant que durera le confinement, en attente d un meilleur accès à la dette et en recherche d une meilleure vision de l évolution du marché. » Pour autant, parce que plusieurs des fondamentaux qui suscitaient l en- thousiasme des investisseurs avant la crise demeurent, ces derniers ne devraient pas être à l arrêt com- plet au cours des prochains mois, estime Jean-Baptiste Schoutteten, associé Real Estate France chez EY  : « Parce que les taux d intérêt devraient demeurer bas et que les

« Le repricing potentiel ne devrait pas être généralisé. Il pourrait s inscrire sur des d actifs situés dans des localisations secondaires avec des états locatifs compliqués, mais aussi sur des segments tels que le commerce ou certaines résidences services gérées »

- Nicolas Verdillon, CBRE

61 | Magazine Business Immo #165 Mai 2020

EN COUVERTURE / DÉFI N° 2 : ÉVALUER LES IMPACTS DU COVID-19