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Alexandra François-Cuxac, présidente de la FPI

« Les promoteurs ont besoin d un chantier

de la reprise »

Business Immo : À ce stade de la crise, êtes-vous en mesure d estimer l impact financier pour les promoteurs immobiliers ? Alexandra François-Cuxac : Les promoteurs sont pris dans un effet de ciseaux entre des coûts de production qui augmentent et des ventes fragilisées, sans que l on puisse encore très bien mesurer l un ou l autre. Pour les promoteurs, 2020 sera une année très difficile : les marges vont être fortement mises à mal alors qu elles conditionnent notre capacité future à investir ; et 2020 sera probablement une année historiquement basse en matière de permis de construire (PC) délivrés pour les logements collectifs. Il faut distinguer deux horizons de temps pour analyser les effets de la pandémie : à très court terme sur les projets en cours, et à court-moyen terme pour les projets en préparation. S agissant des projets en cours, les chantiers reprennent progressivement, mais plus lentement et avec des surcoûts de construction directs (notamment en raison de la mise en œuvre des mesures sanitaires) et indirects (avec l allongement des délais). Dans le même temps, nos ventes sont largement paralysées, à la fois parce que nos clients sont dans l incertitude, et parce que le confinement gêne l obtention des prêts immobiliers, la signature des actes, jusqu aux livraisons. Sur les projets à venir, nous obtenons très peu de PC. On peut comprendre certaines raisons, comme la mobilisation des maires sur la crise sanitaire ou le report du second tour des élections municipales, mais moins d autres, en particulier l incapacité de beaucoup de services publics à fonctionner à distance. Et quand nous avons obtenu des permis, certains maires interdisent la reprise des chantiers, d autres réglementent fortement leurs horaires.

EN COUVERTURE / DÉFI N°3 : FAIRE RÉDÉMARRER L ACTIVITÉ

Sérieusement impacté par la crise du Covid-19, le secteur de la promotion immobilière est à la peine. Comment va-t-il se remettre en marche ? Quelles solutions pour rattraper le retard pris dans la gestion des chantiers ? La présidente de la FPI, Alexandra François-Cuxac, nous apporte quelques éléments de réponse.

Propos recueillis par Alexandre Foatelli

BI : Comment voyez-vous la reprise de l activité ? AFC : Dans la promotion, nous estimons qu environ 30 % des chantiers ont déjà repris. C est probablement moins vrai pour les chantiers de maîtres d ouvrage publics, dont la survie n est pas liée comme nous à l activité. Cette reprise que nous constatons n est pas uniforme : elle dépend de la taille des chantiers, de leur localisation, de leur maturité, ou de la part de la coactivité. Mais sur le terrain, beaucoup d entreprises reviennent nous voir pour relancer les travaux. Une négociation au cas par cas, dans le cadre contractuel, permet de définir les conditions de la reprise. Il s agit pour l essentiel de vérifier le respect des règles sanitaires définies par le guide de l OPPBTP : personne ne transige avec la sécurité des salariés. Afin de faciliter le travail des entreprises adhérentes de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), j ai fait commander un million de masques chirurgicaux. Ils devraient arriver avant la fin du mois d avril. Ils sont conformes aux prescriptions du gouvernement sur la sécurisation des chantiers. Ils permettront aussi d accueillir les clients dans les meilleures conditions, dans les espaces de vente ou lors de la livraison de leurs logements. Mais au-delà de cette reprise des chantiers, je crois surtout au besoin d un « chantier de la reprise » fait de mesures opérationnelles, pratiques, simples et urgentes, tournées vers la libération de l offre : relancer rapidement l activité des services instructeurs, désengorger les études des notaires en privilégiant les opérations neuves, prioriser le traitement des recours contre les autorisations d urbanisme, accélérer le traitement des transactions dans les services fiscaux, mettre entre parenthèses la surenchère réglementaire et documentaire de l État et des collectivités locales, etc. Il est fondamental que tous État, collectivités locales, professionnels nous soyons mobilisés pour accélérer la relance.

BI : Le retard peut-il être rattrapé ? Si oui, comment ? AFC : C est le sens des mesures proposées par la FPI aux maires et aux associations d élus. Sur le plan économique, notre secteur, longtemps resté à l arrêt, est l un des plus impactés ; nous pensons que demain, par sa relance, il fera partie de la solution. C est pourquoi nous avons proposé deux séries de mesures. D une part un travail possible « en temps masqué » sur les PC en cours d instruction et à venir. Nous appelons pour cela à un examen de toutes les possibilités juridiques et matérielles de continuité du travail pendant cette période, compatibles avec la protection de la santé des agents. D autre part, un traitement exceptionnel de ce stock et du flux de nouveaux PC à la fin de l état d urgence sanitaire, pour faire rapidement basculer nos dossiers en phase « chantier ». Les promoteurs sont mobilisés, mais il faut que tous les acteurs de la chaîne le soient aussi pour que notre secteur reparte. BI : D après vous, cette crise sanitaire met-elle en évidence des manques/points faibles dans le fonctionnement du secteur de la construction ? AFC : La crise met cruellement en lumière deux faiblesses, qui d ailleurs se combinent : la suradministration de notre secteur et sa sous-digitalisation. On ne peut pas instruire de demande de PC à distance quand on n a pas d ordinateur portable ni de logiciels pour cela, mais on le peut d autant moins qu un PC exige des pièces justificatives ou des attestations d autres acteurs aussi peu équipés et aussi paralysés par le confinement. Je rappelle que le modèle Cerfa de demande de PC recense 44 pièces jointes susceptibles d être exigées par un service instructeur : toutes ne concernent évidemment pas les projets de logements collectifs, mais cela donne une idée de la complexité dans laquelle nous évoluons, et du défi que la digitalisation représente.

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69 | Magazine Business Immo #165 Mai 2020