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Et demain Les économistes réfléchissent à de nom- breux scenarii de reprise, en V, W, U ou L. Le sujet est tout autre. L industrie immo- bilière devra avant tout porter sa réflexion et son énergie sur le monde qu elle sou- haite reconstruire à court, moyen et long termes. Le monde de demain ne s ins- crira pas forcément dans la continuité du monde d hier. Une autre forme de disrup- tion va émerger de cette situation. Nous préférons parler de régénération globale du secteur que de reprise. Une prime sera donnée bien sûr avant tout aux acteurs disposant d une capacité de refinancement et de trésorerie, ou à certains acteurs de fonds de private equity disposant d une collecte de fonds non encore placés (« dry powder »). Compte tenu de la courbe des taux de refinan- cement des derniers mois, les décisions de gestion se portaient davantage sur un recours à l endettement avec un effet de levier sur la dette. Les ratios d endette- ment (« loan to value ») enregistraient des inflations sur ces dernières années, pour maximiser le retour sur investissement, dépassant parfois allègrement les 50 % de la valeur de l actif financé. Avec des centres commerciaux à l arrêt, des hôtels fermés (RevPAR de -96 % en mars à Paris ou de -82 % à Londres), des bureaux fermés (près de 8 millions de per- sonnes font du télétravail en France avec seulement 5 à 10 % de bureaux ouverts), des entrepôts mis au service des biens de première consommation, des chantiers en construction à l arrêt pour 95 % d entre eux, il apparaît évident que seuls les acteurs disposant de ressources financières stables et endettés à des niveaux accep- tables, vont faire face au retournement

de la conjoncture, une fois les dispositifs gouvernementaux de maintien de l acti- vité passés. Les PME, ETI et les family offices seront moins armés pour aborder l étape d après. Nous n évoquerons pas les reports d investissements et autres Capex dans un cycle économique plus compliqué. Avec un coût de l argent qui augmentera a minima de 50 à 100 points de base, la prime de risque, bien que déjà historiquement élevée, prendra une nouvelle acception. Elle intégrera davan- tage pour des actifs non core le risque de contrepartie, le risque de liquidité de l ac- tif et les risques opérationnels. Il va falloir également redéfinir la gestion de risques entre bailleurs et locataires, et éviter tout manichéisme. Certes, certains baux vont être renégociés et certains bail- leurs revisiteront également leur approche des risques avec un rating plus approfondi des locataires et une période des baux adap- tée pour plus de résilience. Les difficultés des locataires vont se magnifier avec cet enchaînement d événements conjoncturels sur l année et les bailleurs devront faire des efforts supplémentaires pour maintenir l activité économique du pays. Toutefois, un bailleur n est pas seulement un « pro- priétaire nanti ». C est avant tout un entre- preneur qui a recours au refinancement et qui prend des risques pour animer un écosystème dans la ville. Les rapports entre bailleurs et locataires devront se norma- liser, pour chercher un terrain d entente dans l intérêt de la collectivité. Un avantage sera également donné aux acteurs de l industrie faisant preuve d in- novation. L absence de normes devient une norme. Nous pouvons compter sur l écosystème des PropTech en France et à l étranger. Certains modèles perçus

aujourd hui comme innovants devront probablement se réinventer demain, comme le coworking, après « la psychose » de transmission du virus. Il faudra être plus agile que jamais. Le digital sera la norme dans notre mode de vie au quo- tidien. Avec la crise, nous l avons bien noté, les principaux secteurs ont rattrapé leur retard dans la digitalisation de leur industrie, comme l EdTech ces dernières semaines dans le domaine de l Éducation. L information et la data seront au cœur des processus décisionnels sur toutes les typologies d actifs. Il s agira d être au plus près des besoins des consommateurs, des utilisateurs finaux et raccourcir les circuits de distribution. Le marketing va s adapter pour capter toute nouvelle opportunité de marché. Les reportings et autres KPIs seront des outils d aide à la décision. Cela suppose également une parfaite maîtrise des risques de cybercriminalité. Il faut également recréer un climat de confiance entre les contreparties de l éco- système. Quel crédit pourrons-nous don- ner à l information et plus précisément aux valorisations d actifs en l absence de transactions récentes et d incertitudes de cash flows prévisionnels ? En effet, quelle que soit la méthode retenue par les éva- luateurs, ces méthodes (y compris capita- lisation des revenus, DCF ) sont avant tout des méthodes par comparaison. La première valeur sera une valeur d usage. Il faudra renforcer la fiabilité et la transparence des informations à la fois financières, mais également extra-fi- nancières, si nous souhaitons restaurer la confiance du marché. Enfin, l investissement sera responsable et davantage porté sur le bien-être des consommateurs et la santé des utilisateurs.

« Cela nous demandera du temps et avant tout de la créativité pour regarder l ancien monde d aujourd hui avec les yeux du nouveau monde de demain »

- Régis Chemouny, KPMG France

81 | Magazine Business Immo #165 Mai 2020

EN COUVERTURE / LES DÉFIS DE L INDUSTRIE IMMOBILIÈRE À L HEURE DU CORONAVIRUS