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macroéconomiques. « Nous connaissons la corrélation entre PIB, emploi tertiaire et niveau des loyers. Nous nous attendons donc à une forte baisse de la demande placée. Sous les 2 millions de m² en Île-de-France, sans aucun doute. Mais à quel niveau exactement ? L avenir le dira. » Chez Icade, qui gère 2 millions de mètres carrés en portefeuille et plus de 1 000 locataires, on doute aussi de l importance de l impact du Covid-19 sur les performances financières du marché de bureau à long terme. « Nous verrons indéniablement une baisse de la demande placée au 2e trimestre 2020, voire sur le 2e semestre. Il y aura peut-être un déplacement de cette demande de Paris vers la première couronne pour trou- ver des locaux moins chers, mais je ne pense pas qu il se fera de la première vers la deuxième couronne. Des renégociations de baux se produiront sans doute, mais pas forcément assorties d une baisse des loyers, plutôt de mesures d accompagnement des locataires », pressent Emmanuelle Baboulin.

Une sortie de crise, des solutions Pour le directeur de l asset management de Primonial REIM, l anticipation est d autant plus complexe que, suite à cette crise, la rationalisation immobilière, sans doute inévitable pour bon nombre d entreprises demain, pourrait prendre de nombreux visages. « Le panel de solutions à disposition des directions immobilières est aujourd hui plus large : télétravail, tiers lieux, sous-location Certains voudront plus de surfaces pour dédensifier, de grands ensembles pour se retrouver ou au contraire un siège plus petit et des sites satellites Plus d immobilier moins cher, moins d im- mobilier, plus d immobilier hypercentralisé Rappelons qu il n y a jamais de politique immobilière hors sol ! Il y aura donc des solutions diverses répondant à des stra- tégies différentes. » Le chaînon manquant entre le tout-télétravail et le travail au bureau serait-il le tiers lieu ? Pour Emmanuelle Baboulin, la réponse est oui. « Les espaces de coworking, lieux d accueil non soumis aux conditions juridiques d un bail classique, offrent aux entreprises des espaces tampons pour moduler leur besoin en immobilier tertiaire de façon beaucoup plus flexible sur le plan juridique et financier. Nous déve- loppons d ailleurs plusieurs nouveaux espaces de ce type dans la continuité de nos smart desks, espaces partagés mis à la disposition de nos locataires depuis trois ans déjà : avenue Charles-de-Gaulle, à Neuilly, non loin de la Part-Dieu, à Lyon, nous réfléchissons à une implan- tation à Nanterre au pied de la future gare Nanterre-La Folie. Et dans tous nos projets de restructuration de nos immeubles, nous entendons développer ce produit en réservant environ 10 % des surfaces à cette offre de tiers lieux. »

Les résidus durables de la crise Mais si les impacts de cette crise sont bien difficiles à prévoir, une chose est sûre, elle laissera des traces. « Il y a eu le 11-Septembre, et il reste des tours à La Défense. Il y a eu le Bataclan, et il reste des salles de concert. Le bureau survivra parce que c est ce que font les modèles établis », promet Ludovic Delaisse. Mais des résidus durables persisteront. Comme après chaque crise majeure. « Après le 11-Septembre, on a vu fleurir des systèmes de contrôle d accès dans tous les buildings américains. Après les attentats en France, certaines places publiques, en face du parvis du Tribunal de grande instance de Paris, ont dû

abandonner leurs projets d arbres et de bancs au profit d un paysage plus minéral, plus froid », rappelle Jean-Frédéric Heinry. « Ainsi, si la question des 4 m² est court-termiste, celle que l immobilier doit urgemment mener est celle de sa résilience », estime-t-il. Et finalement, peut-être celle de sa raison d être Tous les acteurs interrogés s ac- cordent sur un point. Comme l écrit JLL dans sa der- nière étude, « on ira peut-être vers moins de mètres carrés, mais surtout vers mieux de mètres carrés ».

La crise, accélératrice d obsolescence Toutes les entreprises savent aujourd hui à quel point l immobilier est un vrai sujet de ressources humaines. Le bureau est un outil de travail et de management. Il facilite la circulation de l information et de la culture d entreprise. Et si l on veut demain réattirer au bureau, ce sera pour se rencontrer, discuter, apprendre, créer En bref, faire tout ce qu il n est possible de faire qu en- semble. « Plus encore demain qu hier, le bureau doit être un réseau social, connecté à la ville », résume Jean- Frédéric Heinry. « Un bureau comme lieu de rencontres et d expériences », ajoute Charles Ragons. « Ces attentes préexistantes qui se font de plus en plus pressantes néces- sitent que nous concevions des immeubles adaptés. » « De nouveaux critères de qualité s imposent, notamment du côté de la qualité de l air intérieur, point essentiel et pourtant trop longtemps oublié. L appétit d hier pour les espaces extérieurs, les matériaux naturels, les zones colla- boratives, le confort, l espace informel, le collaboratif, etc., se fait aujourd hui nécessité. Et le fossé pourrait très vite se creuser entre le prime et l offre obsolète, qui aura bien du mal à trouver preneur », conclut Sophie Desmazières. Ainsi, si de l avis de tous, la crise du Covid-19 ne devrait pas renverser le marché, elle pourrait être avant tout un important accélérateur d obsolescence. L écart grandissant entre les actifs va-t-il générer des mouvements de la part des foncières sur le marché de l investissement ? Possible, affirme Emmanuelle Baboulin. « Mais encore faudra-t-il qu elles trouvent acquéreurs. Certains acteurs vont se spécialiser en res- tructuration d immeubles pour surfer sur cette tendance, et Icade a déjà depuis plusieurs années entrepris une revalorisation de son patrimoine. Il est vrai que ce tra- vail nécessite de gros capex d investissement, mais reste préférable au fait de garder des immeubles vacants parce que ne répondant plus aux attentes des utilisateurs. Les foncières qui auront les moyens entreprendront ce travail de restructuration, et celles qui n auront pas la capacité financière nécessaire ou suivront d autres stratégies céde- ront leurs actifs obsolescents. » Alors demain, l âge d or des bureaux sains et vertueux ?

GRAND ANGLE / BUREAU : RÉSEAU OU RAISON SOCIAL(E) ?

« Il y a eu le 11-Septembre, et il reste des tours à La Défense. Il y a eu le Bataclan, et il reste des salles de concert. Le bureau survivra parce que c est ce que font les modèles établis  »

- Ludovic Delaisse, Cushman & Wakefield France

Juin 2020 #166 Magazine Business Immo | 18