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Cette pomme de la discorde mène-ra-t-elle à la guerre de Troie ? Le fruit incriminé prend cette fois la forme de loyers dus par l application de baux commerciaux. Depuis la mi-mars et le début du confinement en France, il oppose bailleurs et locataires, soucieux de pouvoir assurer leur santé financière et leur survie. Deux mondes qui se déchirent, tout en étant inexorablement tributaires l un de l autre. Il faut dire que le Covid-19 a pra- tiqué une sévère saignée sur les commerces non alimentaires, contraints de baisser le rideau, voyant ainsi leur chiffre d affaires se réduire au quasi-néant de manière inédite. « Nos 300 enseignes membres ont enregistré, à fin avril, une baisse de 37 % de leur chiffre d affaires par rapport à la même période en 2019 », précise Emmanuel Le Roch, délé- gué général de Procos. Les loyers pesant jusqu à 20 % du CA des enseignes, la crainte était palpable. D autant plus que la pandémie frappe des enseignes déjà fragi- lisées par les grèves dues à la réforme des retraites et les Gilets jaunes, épisodes où « il n y a pas eu de mesures d accompagnement

de la part des bailleurs », rappelle Dan Ohnona, directeur général de Financière Abitbol et Enfants (FAE). Aussi, lorsque l échéance des loyers au 1er avril est arrivée, les commerçants ont été nombreux à prendre l initiative de demander à leurs bailleurs un geste. « Sur 440 lots en gestion, approximativement 80 % de nos clients ont reçu une demande de report ou d annulation de loyers durant le confi- nement », rapporte David Brami, cofon- dateur de Point de Vente. Des demandes nombreuses qui n ont pas forcément reçu un accueil favorable de la part de proprié- taires en proie à leurs propres impératifs financiers, qu ils s agissent d échéances bancaires ou de rendement à assurer pour les porteurs de parts.

Dialogue de malentendants Très tôt, la Compagnie de Phalsbourg a décidé d annuler les loyers des enseignes non alimentaires par la voix de Philippe Journo, se déclarant « solidaire de ses par- tenaires enseignes nationales et commerçants indépendants ». D autres ont suivi, comme

Ceetrus et le Groupe Sebban le mois sui- vant. Dès le 16 mars, le Conseil national des centres commerciaux (CNCC) a recommandé à ses adhérents bailleurs d une part de mensualiser les loyers du 2e trimestre, et d autre part de ne pas mettre immédiatement en recouvrement les loyers du mois d avril. Dans un second temps, après un mois de confinement à la demande de Bruno Le Maire, le CNCC et les principales fédérations de bailleurs ont appelé leurs adhérents à annuler les loyers pour les TPE dont l activité était à l arrêt. En revanche, le conseil reste inflexible sur le cas des grandes enseignes dont la solidité financière ne laisse aucun doute sur leur capacité à assu- mer leurs loyers. Malgré ces marques de solidarité, Emmanuel Le Roch relève que le paiement des loyers a constitué un « gros sujet de dis- corde » dans la plupart des cas. « Très peu de bailleurs ont rassuré le monde des exploi- tants. Beaucoup ont traité ce sujet par une application stricto sensu du bail, éventuel- lement avec un report, mais en considérant

Juin 2020 #166 Magazine Business Immo | 32

EN COUVERTURE / COMMERCE, UNE REPRISE À QUITTE OU DOUBLE