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Les pipelines de développement pourraient s écouler au ralenti

Après avoir atteint un sommet en 2008 avec près de 9 millions de m2, le développement de nouveaux espaces de centres commerciaux a connu un ralentissement continu au cours de la dernière décennie. Une tendance que l épidémie de Covid-19 et la crise économique qui l accompagne pourraient pérenniser.

Par Luc-Etienne Rouillard Lafond

Quelque 2,4 millions de m2 de centres commerciaux ont été développés à travers l Europe en 2019, selon Cushman & Wakefield, une baisse d envi- ron 8 % par rapport à l année précédente, pourtant la pire en près d un quart de siècle. Et si 4,5 millions de m2 étaient attendus pour cette année avant l épidémie de coro- navirus, le ralentissement devait reprendre de plus belle l an prochain, puisque le conseil attendait pour 2021 un pipeline de développement de seulement 1,3 million de m2. La crise économique engendrée par les mesures de confinement mises en place dans la plupart des pays européens n inver- sera évidemment pas la tendance. « Tous les développeurs, promoteurs et autres acteurs de la construction de commerces ou de centres commerciaux peuvent s estimer heureux s ils n avaient pas encore commencé leurs projets au début de la crise, estime Boris van Haare Heijmeijer, Head of Emea Retail chez Cushman & Wakefield. Il est clair que ces investissements lourds, inscrits sur un temps long, sont aujourd hui inquiétants parce qu il

est difficile d anticiper comment évoluera le commerce dans les prochains mois et les pro- chaines années. » D autant que la promotion de centres com- merciaux était selon lui une activité de plus en plus à risque avant même le début de la crise. Les loyers accusaient déjà une certaine baisse en raison d années difficiles et de chiffres d affaires sous pression pour beau- coup de commerçants, et les marges de pro- fit attendues par les promoteurs, autrefois de 20 à 25 %, étaient descendues aux alentours de 15 %. « Les grandes enseignes dévoreuses d espaces telles H&M ou New Yorker ne bougeaient plus beaucoup, et si elles déména- geaient, c était dans des conditions agressives et très défavorables au bailleur, rappelle Boris van Haare Heijmeijer. Post-coronavirus, cette situation ne fera qu empirer, et dans cette crise de consommation qui se profile, dans laquelle les loyers ne remonteront pas à court terme, le modèle économique portant la promotion des centres commerciaux risque de s effondrer. » Ce dernier ne sera par ailleurs pas sauvé par le marché de l investissement ou par

une croissance de la valeur des actifs, jadis portée par l augmentation des loyers et la contraction des rendements, continue-t-il : « Aujourd hui, parce que l on observe plutôt une baisse des loyers et une augmentation des rendements, la croissance des valeurs observée depuis 20 ans est en train de s inverser, sur- tout pour les centres commerciaux. De ce fait, le marché de l investissement sur ce secteur s est effondré, ce qui n est pas le cas pour les actifs de pied d immeuble ou de périphérie. »

Le Covid-19, accélérateur de tendances L épidémie de coronavirus devrait confir- mer cette tendance, rapporte Savills dans une étude récente : « La crise sanitaire a accéléré des changements structurels déjà en cours et nous prévoyons une poursuite de la rationalisation des actifs de commerce ainsi qu une pression à la baisse sur les loyers. Sur 73 % des marchés européens, la valeur en capital des commerces a montré de nouveaux signes de fléchissement en avril. » Pour autant, plutôt que de sonner le glas pour les pro- moteurs immobiliers de commerce, le Covid-19 pourrait plutôt les forcer à revoir la pertinence de leur modèle. « L épidémie confirme avant tout des tendances et accélère un tri qui avait déjà été entamé précédem- ment, tempère Fabrice Dumartin, pré- sident du groupe Les Arches Métropole. Nous comptons actuellement une quinzaine de projets de développement, à différents stades d avancement, et s il est possible que certains soient abandonnés pour des raisons de lecture de marché ou d autorisations administratives, aucun ne sera remis en question par l épidé- mie de coronavirus. » Un point de vue que partage Ludovic Castillo, directeur général d Altarea Commerce : « Toutes les structures qui étaient faibles, dans le commerce comme dans l économie en général, auront du mal à survivre à trois mois sans chiffres d affaires et six mois de chiffres d affaires réduits. Certaines sociétés seront absorbées ou disparaîtront, ce qui laissera des emplacements vides au fil du

« Toutes les structures qui étaient faibles, dans le commerce comme dans l économie en général, auront du mal à survivre à trois mois sans chiffres d affaires et six mois de chiffres d affaires réduits »

- Ludovic Castillo, Altarea Commerce

39 | Magazine Business Immo #166 Juin 2020

EN COUVERTURE / COMMERCE, UNE REPRISE À QUITTE OU DOUBLE