Your browser is not up to date and is not able to run this publication.
Learn more

cela pèse sur les rentabilités, donc sur le taux d effort. Pendant cette phase 2, on ne retrouve pas les valeurs locatives d avant. Les locataires voudront acter la baisse des valeurs locatives, mais il n existe que deux possibilités pour faire baisser une valeur locative en cours de bail : la modification matérielle des facteurs locaux de commer- cialité ayant entraîné une diminution de plus de 10 % de la valeur locative, et la variation de plus de 25 % du loyer lorsque le bail comprend une clause d échelle mobile. Un arrêt de la Cour de cassation du 26 septembre 2001 a considéré que la fermeture de boutiques accompagnée de la baisse des valeurs locatives constituait une modification matérielle des locaux de commercialité. Cela rendra recevables les demandes de révision des valeurs locatives en cours de bail si dans un secteur les loca- taires rendent les clés aux bailleurs et que les cellules libérées sont recommercialisées à des valeurs inférieures, avec cependant l inconvénient d un délai de procédure de deux à trois ans. Le temps judiciaire n est pas celui des affaires. Il convient de rappeler qu avant la crise sanitaire, plus le risque de vacance était élevé, plus les bail- leurs négociaient des baisses hors cadre juridique. La variation de plus de 25 % pourrait être atteinte en cas de reprise de l inflation, qui rendrait la baisse recevable dans tous les secteurs pour les baux com- prenant une clause d indexation. Le Code de commerce prévoit le calcul de la valeur locative par comparaison avec les prix couramment pratiqués dans le secteur. Le vrai loyer étant celui payé, il convient de déduire les mesures d accom- pagnement sur la durée ferme du bail. En période de crise, celles-ci prennent de l importance : mise à disposition antici- pée, franchises de loyer, participation aux travaux, plafonnement des charges Cette approche objective est adaptée, mais elle regarde le passé, ce qui conduit à un déséquilibre en cas de forte variation des valeurs locatives, ou lorsqu un événement exceptionnel intervient. Le chiffre d affaires du locataire ne pourra pas être pris en compte pour quantifier la baisse, s agissant d une donnée subjec- tive, propriétaire et locataire n étant pas associés. Par ailleurs, internet a changé la pratique du consommateur, son parcours d achat est différent. La fréquentation de la boutique ne se retrouve plus dans son chiffre d affaires. Celle-ci devient un salon de présentation, avec un stock de plus en plus limité, l achat se faisant en partie sur internet. Le taux de transformation du

chiffre d affaires réalisé par la boutique est difficilement quantifiable, ce n est plus la seule variable du loyer. Cela implique de raisonner par rapport au flux de chaland. La comparaison de l évolution des flux avant et après le confinement va donner une tendance, mais pas la valeur locative. La valeur locative de marché (nouvelles locations) est une notion économique qui dépend de l offre et de la demande. Seul l examen du marché donnera sa vraie valeur. Il sera indispensable d exa- miner le niveau de vacance et des offres des locaux proposés à la location par sec- teur et par type d activité. Soit les tran- sactions reprennent après la période de confinement sans baisse significative de loyer l impact sur les valeurs locatives sera alors limité , soit le volume de tran- sactions et les prix s effondrent parce que les défaillances des locataires sont nom- breuses l impact sera dans ce cas élevé. Si les banques cessent de financer l im- mobilier, cela va accélérer la baisse. Plus la vacance sera importante, plus les prix devraient baisser. Les centres commerciaux les mieux gérés dont les loyers correspondent à la valeur locative de marché devraient être les plus impactés. Le loyer de renouvellement est fixé à la date du renouvellement, sans prendre en compte les éléments postérieurs. Pendant la phase temporaire pendant laquelle l état d urgence est maintenu, l activité du loca- taire ne pourra pas être normale, ce qui entraînera une minoration de la valeur locative. Le loyer s appliquant pendant la

durée du bail qui est au minimum de neuf années, en cas de renouvellement mi-2020, le locataire bénéficiera d un loyer minoré pendant une période supérieure à celle de l état d urgence. L équilibre sera rompu. Les conséquences seront d autant plus graves pour le propriétaire que la valeur des murs commerciaux dépend directement du niveau du loyer. Il faudrait pouvoir ajus- ter le loyer à la valeur locative lorsque la situation redeviendra normale, mais cela n est pas prévu par le Code de commerce. Il est donc nécessaire pour les bailleurs qui consentent des baisses de loyer de prévoir de se retrouver quand la situation redevien- dra normale. Si le scénario de l inflation se réalise, l écart entre le loyer et la valeur loca- tive risque de se creuser. Personne ne sait quand interviendra le retour à une situation normale ni quel sera le monde d après. Le Covid sera-t-il une parenthèse ? Le réchauffement cli- matique pourrait faire apparaître de nou- veaux virus. La « coronacrise » a un effet destructeur sur le commerce et par ricochet sur les bailleurs. Il est urgent de sauver le com- merce, mais aussi les bailleurs. Le Code de commerce est un espace de liberté encadrée, qui allie souplesse et protection, mais s avère ne plus être adapté au monde moderne. En 1953, il n existait ni centres commerciaux, ni zones commerciales, ni loyers binaires, ni internet. La loi ACTPE 2014-626 du 18 juin 2014 n a même pas effleuré ces évolutions, mais rappelons que le 18 juin, c est Waterloo !

« La valeur locative de marché (nouvelles locations) est une notion économique qui dépend de l offre et de la demande. Seul l examen du marché donnera sa vraie valeur »

Juin 2020 #166 Magazine Business Immo | 56

EN COUVERTURE / COMMERCE, UNE REPRISE À QUITTE OU DOUBLE