Le déficit de produit, principal frein à l investissement Selon Jean-François Morineau, « le vrai problème tient aujourd hui dans le niveau insuffisant de l offre par rap- port à l appétit des institutionnels ». Une rareté qui tient en partie dans l histoire de l investissement rési- dentiel tricolore, mais est aussi de nature politique, constate Christophe Volle : « Le marché français est beaucoup plus petit que d autres marchés européens en raison d une grande vague d externalisation du patri- moine réalisée au début des années 90, qui a laissé les investisseurs institutionnels avec moins de patrimoine. Ce déficit de produit, rendu encore plus marquant par un déficit de production dans le neuf depuis la fin de 2019 du fait des élections municipales, a pesé de manière importante sur la délivrance de permis. » Ainsi, la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) a rapporté une baisse de 30 % des ventes de logements neufs au 1er trimestre 2020, de même que le plus bas niveau de ventes en bloc (3 282) enregistré depuis la création de l observatoire de la Fédération des promoteurs immobiliers, soit une baisse de -41,1 %. Pire encore, les mises en vente ont dimi- nué de moitié par rapport au 1er trimestre 2019 et de -17,8 % sur un an, une baisse encore plus importante en Île-de-France (-66 %), où se sont concentrés 72 % des investissements résidentiels en 2019, et pour le secteur du logement collectif (-73 %), prisé par les investisseurs. De ce fait, on trouve 15 000 logements de moins sur le marché qu à pareille date l an der- nier. Des données qui ne peuvent être imputées au coronavirus, puisqu elles n intègrent que 15 jours de confinement, dénonce Marc Villand, président de la FPI Île-de-France : « Ces baisses historiques sont très faiblement liées au Covid-19, mais s expliquent plutôt par à une suradministration, des délais de plus en plus longs pour l obtention des permis de construire, une sur- réglementation et un échiquier politique complexe où un maire bâtisseur est souvent vu comme un maire battu. » Des embûches politiques que l État a tâché d atté- nuer par des acquisitions massives de logements. CDC Habitat a d abord passé une commande de plus de 40 000 lots, à laquelle des promoteurs tels que Nexity (7 450 unités pour 1,2 Md ), Altarea (3 500 unités pour 825 M ) et Capelli (911 uni- tés pour 183,5 M ) ont déjà répondu. In li, filiale dédiée au logement intermédiaire du groupe Action
logement, a emboîté le pas début avril avec un plan de relance promettant l acquisition de 10 000 logements avant la fin de l année auprès de promoteurs immobi- liers en Île-de-France. Mais si de telles emplettes ont pu redresser un peu la barre au cœur de la tempête et rassurer en partie les promoteurs, ceux-ci attendent des conditions administratives en adéquation avec les discours de soutien au secteur, selon la présidente de la FPI, Alexandra François-Cuxac : « C est le poids de notre administration et de nos méthodes qui fait que nous sommes incapables de rapprocher le temps politique au temps économique. Pour sortir de la crise, il faut souhaiter que le plan de relance du gouverne- ment soit à la hauteur des besoins, mais aussi une prise de conscience que la ville de demain se prépare dans les permis de construire d aujourd hui. Car si on ne prend pas garde, parce que notre cycle de production est long, nous nous enliserons dans une crise de plusieurs mois, voire plusieurs années. » Et si l État en vient à retirer leurs menottes aux promoteurs, ils trouveront face à eux des investisseurs prêts à consommer leur produc- tion. « Les plans de soutien de la filière et de l activité de promotion qui ont été rapidement mis en place per- mettront d avoir des volumes d investissement importants en 2020 et 2021, conclut Christophe Volle. Mais si la taille du marché était décuplée, nous pourrions trouver une demande, car l appétit des investisseurs est avéré et concerne tous les types de produits, que ce soit des actifs résidentiels classiques, des Vefa ou des résidences gérées. »
GRAND ANGLE / RELANCER LA PRODUCTION DE LOGEMENTS
DEUSTCHE WOHNEN : QUAND LE RÉSIDENTIEL SUPPLANTE L AÉRONAUTIQUE À LA BOURSE ALLEMANDE
Pour la première fois depuis la création en 1988 du DAX, le fleuron aéronautique Lufthansa, plombé par la crise économique liée à l épidémie de Covid-19, a été exclu de l indice boursier de référence en Allemagne. La société est remplacée par Deutsche Wohnen AG, qui rejoint Vonovia en tant que deuxième société immobilière sur l indice après avoir su profiter de la flambée des prix sur le marché résidentiel berlinois. Assis sur un patrimoine de 161 500 logements, dont les deux tiers sont situés dans la capitale allemande, construit en grande partie par le rachat entre 2017 et 2013 de grands parcs immobiliers anciennement publics, le groupe suscite cependant la controverse auprès des Berlinois, qui dénoncent des hausses de loyers jugées démesurées contribuant au doublement observé depuis 2006. Leur colère a même mené à une pétition, signée par 70 000 personnes, demandant la recommunalisation des logements cédés à Deutsche Wohnen, dont la capitalisation s élève aujourd hui à 14 Mds . Imaginez qu un acteur comme le groupe 3F entre en bourse et remplace Air France au sein du CAC 40 ? Il y a fort à parier que quelques amicales de locataires se donnent rendez-vous dans les rues parisiennes.
Juillet 2020 #167 Magazine Business Immo | 24