Pour réduire le lourd bilan carbone du secteur immobilier, des démarches gou-vernementales et réglementaires, tant à l échelle européenne que française, se sont succédé au cours des dernières années. Lois Grenelle, décret Gauchot, loi Élan, autant d initiatives qui ont notamment mené à la publication l été dernier du décret sur la rénovation énergétique des bâtiments ter- tiaires. « Ce décret tertiaire confirme les besoins de diminution des consommations d énergie et fixe les modalités d application, les objectifs, les modes de suivi ainsi que les éventuelles sanc- tions en cas de non-suivi, explique Thomas Caillard, responsable de l activité ingénierie de la performance au sein du cabinet ARP- Astrance. Mis en application en octobre 2020, il sera appliqué aux surfaces tertiaires supérieures à 1 000 m2 SDP et, pour atteindre l objectif de -60 % à horizon 2050, comportera un mode obligatoire de saisie des données de consomma- tion des bâtiments concernés à partir de 2021. » Aussi, parce qu il impose aux propriétaires et aux locataires un seuil de consommation équivalant à un bâtiment neuf, ces derniers devront mettre en place au cours des pro- chaines années différentes mesures, continue Vianney Raskin, directeur général et fonda- teur de Citron®, une société de services spé- cialisée en efficacité énergétique : « Ces actions peuvent être de quatre natures : des interventions sur le bâti, la performance des équipements, les modalités d exploitation et l adaptation des com- portements des usagers. » Pour Laurent Husson, président de Climate City, société spécialisée dans l anticipation des enjeux climatiques à l échelle urbaine, « l enjeu pour le secteur immobilier dans son ensemble est de pouvoir anticiper à moyen et long termes l impact du changement climatique sur l ensemble des infrastructures immobilières, puisqu il est impossible pour les investisseurs de pouvoir s engager dans de nouveaux programmes sans connaître les risques que leurs actifs pour- ront subir. » Selon l entreprise, dont l activité
consiste à collecter et analyser des données climatiques locales au-dessus et en périphé- rie des villes via des drones et des ballons captifs, les trois risques principaux sont les catastrophes naturelles, les îlots de chaleur et la pollution. Et parce que les villes sont à la source de ces dangers, la responsabilité de les prévenir incombe à ceux qui les développent : « Les villes représentent 2 % de la surface du globe, mais produisent 66 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Or, l urbanisation connaissant chaque mois une croissance extrême- ment forte, la lutte contre les changements clima- tiques se passera dans les zones urbaines et sera menée par ceux qui les construisent. » Transformer le bâti Dans son plus récent plan stratégique du patrimoine, adopté en 2019, ICF Habitat a prévu la rénovation de 18 000 logements à horizon dix ans et 17 000 nouveaux loge- ments de manière à faire disparaître de son patrimoine tous ceux classés E, F et G. Des ambitions qui passent forcément par la transformation de son patrimoine bâti, pré- cise Violaine Jacolin-Dubreux, responsable développement durable : « Pour y parvenir, nous avons articulé notre stratégie autour de cinq enjeux : les fluides (consommation d eau et d énergie), les matériaux, les milieux naturels, le bien-être humain et le carbone. La prise en compte de ces enjeux doit permettre de réduire l impact de notre activité sur l environnement et améliorer la qualité de vie dans les logements. » Rappelant que le bâtiment représente environ 30 % des émissions de gaz à effet de serre, Catherine Papillon, directrice développe- ment durable et RSE de BNP Paribas Real Estate, reconnaît le rôle important que les acteurs de l immobilier doivent jouer pour répondre aux enjeux climatiques : « Aussi bien au moment de la construction que de l exploi- tation, leur réponse doit passer à la fois par la réduction des consommations énergétiques, par exemple à travers un recours à des énergies peu
carbonées ou une utilisation plus raisonnée, mais aussi par un choix de matières premières dont l impact est plus faible, tels que les matériaux biosourcés et recyclés. » Pour Diego Harari, directeur innova- tion et développement durable chez Vinci Immobilier, concrétiser les engagements du groupe Vinci la diminution de ses émis- sions carbone de 40 % d ici 2030 et la neu- tralité carbone à horizon 2050 passe avant tout par une meilleure compréhension de son empreinte environnementale : « Bien sûr, nous respecterons les engagements du groupe et nous travaillons à leur déclinaison à notre propre échelle. Cette démarche doit d abord passer par une quantification de notre empreinte carbone, car, comme l ensemble de la profession nous en sommes aux premières étapes d une longue tra- jectoire. » Mais si Vinci Immobilier a elle aussi adopté la construction bois pour plusieurs opérations, le groupe de promotion ne croit pas qu il doive forcément tourner le dos aux autres matériaux pour concrétiser ses ambi- tions environnementales. « Il est loin d être cer- tain que nous puissions faire du 100 % bois dans l avenir, donc le béton, le métal et les autres maté- riaux continueront d avoir leur place, explique Diego Harari. La vraie intelligence des maté- riaux de l avenir sera d utiliser le bon matériau au bon endroit. Pour Universeine, une opération labellisée écoquartier et HQE Aménagement sur le futur Village des athlètes de Paris 2024, nous avons recours au bois, mais aussi au béton bas carbone là où le bois ne peut être utilisé. »
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« Nos centres nous donnent des responsabilités très importantes en matière de consommation responsable »
- Clément Jeannin, Unibail-Rodamco-Westfield
Lire l interview de Clément Jeannin
23 le nombre d opérations
labellisées BBCA (bâtiment bas carbone)
en 2019
Juillet 2020 #167 Magazine Business Immo | 44
EN COUVERTURE / CLIMAT : L HEURE DU VIRAGE ?