À Marseille, on ne fait pas jamais les choses comme les autres. Ne parlons pas politique ici, mais seulement de la vie des acteurs immobiliers. En février der- nier, juste avant le Grand Confinement, le très dynamique Club Immobilier Marseille- Provence (Cimp) a emmené une délégation de plus d une centaine de professionnels de l autre côté de la Méditerranée. L Afrique. « Marseille, c est la porte d entrée du hub vers l Afrique de l Ouest et Dakar sera la porte d en- trée de l Afrique vers l Europe », assure Jean-Luc Chauvin, président de la CCI Aix-Marseille- Provence qui rappelle que la France est le pre- mier partenaire économique du Sénégal. « Et l Afrique de l Ouest, un marché de 350 millions d habitants, dont une classe moyenne et aisée de 10 %, c est-à-dire l équivalent de la moitié de la population française », ajoute Fabrice Alimi, l ex-président du Cimp, à l initiative de ce pre- mier voyage avec Antoine Viallet. Un roadshow de trois jours pour découvrir un marché d avenir où, à la faveur de la métropoli- sation, l immobilier s affirme comme un levier de développement économique du Sénégal. Sous l impulsion du président Macky Sall, le gouvernement a engagé la seconde phase d un plan ambitieux de développement écono- mique Plan Sénégal émergent (PSE) dont l habitat et les services constituent deux des six moteurs de croissance. L objectif est de péren- niser une croissance économique annuelle qui, avant le Covid-19, dépassait les 6 %. Mais un marché où les acteurs français sont encore assez rares. « Nous n avons pas de promo- teurs français présents à Dakar alors même que le Sénégal est un pays francophone. Il y a des Turcs, des Chinois, des Indiens, des Italiens, mais peu de Français », s émeut Souleymane Diallo, direc- teur général du promoteur sénégalais Sablux. Quelques groupes français ont posé, ici et là, quelques banderilles sur le marché africain, à l image du groupe Duval, de Redman À Marseille, Les MIA s (Marseillais de l immo- bilier en Afrique), une émanation du Club, est un groupement créé il y a deux ans pour accompagner des groupes français ou africains sur des montages d opérations immobilières sur le continent. Le potentiel du marché est colossal. Avec une population jeune un Sénégalais sur deux a moins de 20 ans majoritairement rurale (56 %), le Sénégal veut s engager vers la voie de l urbanisation et de la métropolisation. « Notre volonté est d éradiquer les bidonvilles à l horizon 2025 et de constituer une offre de logements pour les classes moyennes », a rappelé Abdoulaye Sow, président de la CCI de Dakar. Sur le plan comptable, cela suppose de construire 100 000 logements par an, dont 30 000 autour de la capitale.
Diamniadio, prototype de la ville nouvelle africaine Aux côtés du résidentiel, l exécutif veut accélérer le développement économique. L un des symboles de cette dynamique économique est la naissance de la ville
Connaissez-vous Les MIA s ?
Ils sont moins d une dizaine, tous Marseillais, Provençaux et professionnels de l immobilier et de la construction. Plus qu une association, Les MIA S (Marseillais de l immobilier en Afrique) se présentent comme une plate-forme au service des acteurs qui veulent développer des projets en Afrique. Ils sont aussi l addition de compétences et de ressources complémentaires asset managers, architectes avocats, conseils et ingénierie, commercialisateurs, promoteurs, spécialistes du développement durable qui couvrent l ensemble des secteurs d activités dans l immobilier. Le modèle économique est assez simple. « Les MIA s portent le projet en leur nom, et ensuite chacun avec son entreprise devient sous-traitant », explique son président Jean-Luc Daunizeau. Pas de pacotille, le business passera par ce club des neuf.
nouvelle de Diamniadio, lancée dès 2014, à 40 km de Dakar et dont le premier rôle est de désengorger la capitale. Exégèse de la ville de demain, Diamniadio se veut l épicentre du « triangle de prospé- rité », Dakar-Thiès-Mbour, voulu par le président Macky Sall. Une autre façon de qualifier le Grand Dakar. Dès l été 2018, le gouvernement y a transféré une partie de ses administrations et ministères dans de nouveaux ensembles tertiaires flambant neufs. Pas moins de 14 ministères ont ainsi quitté le centre-ville de Dakar. « Au total, une trentaine de ministères vont rejoindre Diamniadio, libérant du foncier en centre- ville pour développer de nouvelles opérations immobilières », explique un porte-parole du gouvernement. Depuis, la ville nouvelle commence à prendre forme sur plus de 1 600 ha décou- pés en quatre arrondissements. Le premier concentre l événementiel autour du centre international de conférences Abdou-Diouf construit en moins d un an et inauguré en novembre 2014, du parc des exposi- tions et d un hôtel Radisson Blu livré en 2017. Le deuxième, dédié à l économie de la connaissance, rassemble l université, les sphères ministérielles avec bientôt le futur siège des Nations Unies pour l Afrique de l Ouest conçu par l architecte Jean- Michel Wilmotte, et un prochain stade olympique. Le troisième arrondissement se veut plus industriel, avec un parc où tra- vaillent plus de 1 000 personnes à ce jour, et intègre une forte composante logistique articulée autour du marché d intérêt.
Le quatrième et dernier arrondissement sera le cluster financier et le quartier des affaires de la ville nouvelle autour du stade omnisports Dakar Arena. Tous les arrondissements accueillent des logements, dont les premières livraisons ont débuté l an passé. L un des premiers promoteurs à s être positionné est un groupe indien qui a formé une joint-ven- ture, SenegIndia, pour développer une ville dans la ville, SD City. Plus de 6 000 loge- ments concentrés sur 58 ha sont program- més en trois phases. La première tranche rassemble plus de 1 000 lots destinés à une clientèle plutôt aisée, en particulier la diaspora sénégalaise attirée par des pers- pectives de rendement locatif de 8 à 10 %. Une ville nouvelle au carré qui doit aussi s affirmer comme une vitrine du dévelop- pement durable. Et là, les avis sont plus partagés. « Diamniadio est une ville coupée par une autoroute et reliée par un seul et unique pont », regrette un architecte-ur- baniste qui pointe le syndrome de la ville nouvelle à la française. « Une ville fan- tôme ? », s interroge un autre devant l im- mensité du site. Car l un des défis de Dakar, du Sénégal, de l Afrique de l Ouest pour élargir la focale, sera bien de construire dès à présent la ville durable et s inspirer des erreurs du passé pour les éviter. Pour cela, les Sénégalais pourront s appuyer sur le Club Immobilier Marseille-Provence qui, depuis dix ans, a su réunir toutes les composantes de l éco- système immobilier et de la fabrique de la ville. Et inversement.
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Juillet 2020 #167 Magazine Business Immo | 52