spectre, l appétit des investisseurs ne se dément pas pour des marchés de niche perçus comme plus résilients, comme l hôtellerie de plein air. En témoigne la cession, pendant la crise du Covid-19, de l exploitant néerlandais de camping Roompot par PAI Partners à KKR pour une valorisation de l ordre du milliard d euros. La principale interro- gation porte aujourd hui sur la vitesse et la forme que prendront le rebond de l activité hôtelière ; à mesure que la possibilité d une deuxième vague se fait plus pressante, la perspective d un retour aux performances de 2019 s éloigne malheureusement chaque jour un peu plus. Ce manque de visibi- lité à court terme ne devrait cependant pas freiner l appétit des investisseurs pour un secteur qui a su prouver sa résilience par le passé.
Secteurs en défense Le bureau semble quant à lui avoir plutôt bien résisté à la crise sanitaire, en particulier pour les bailleurs exposés aux clients grands comptes, et ce malgré une chute brutale de la demande loca- tive. Une fois de plus, les crises accélèrent des ten- dances de fond, à commencer par l attrait pour la centralité ; à notre échelle, Goldman Sachs en est une illustration en France, avec l annonce de l implantation de notre futur siège social au 83 Marceau, en plein cœur du Quartier central des affaires parisien. La demande, en particulier pour des immeubles neufs ou restructurés, y semble toujours vive et l offre toujours aussi rare, ce qui reste un puissant facteur de soutien aux valeurs locatives. La crise du Covid-19 a initié cependant un nouveau débat autour de la consommation de mètres carrés de bureaux, potentiellement freinée par l impact du télétravail, mais en même temps boos- tée par les contrecoups liés aux mesures de distancia- tion sociale. Difficile à ce stade d avoir une vision très claire de l évolution des besoins des utilisateurs en matière de bureaux. Pour la première fois, cer- tains investisseurs sont dans le doute, mais pas encore dans la défiance. Et dans le doute, ils com- mencent même parfois à
LA CRISE REBAT LES CARTES DE L INVESTISSEMENT IMMOBILIER Sans remettre en cause l attractivité de la classe d actifs auprès des investisseurs institutionnels, la crise du Covid-19 devrait profondément impacter les stratégies des acteurs, marquées par l aversion au risque des uns et la soif d opportunités des autres.
Les marchés immobiliers ont tous été impac-tés par la crise du Covid-19, avec cependant une plus ou moins grande sévérité selon la classe d actifs. Sans surprise, les segments du commerce et de l hôtellerie se sont naturellement retrouvés en première ligne en raison de la ferme- ture d un grand nombre d actifs durant la période de confinement. En ce qui concerne le commerce, la crise du Covid-19 a fait office d accélérateur, en accen- tuant la défiance d un certain nombre d inves- tisseurs envers une classe d actifs dont le modèle économique sous-jacent apparaît fondamentale- ment remis en question. Cette tendance, en germe depuis déjà un certain temps, se matérialise en premier lieu dans les cours de Bourse des prin- cipales foncières cotées, qui cristallisent actuelle- ment des décotes souvent supérieures à 50 % par rapport à la valeur des actifs. La récente faillite de la foncière britannique Intu a démontré que le risque ne pesait pas seulement sur les enseignes, mais que l effondrement d un propriétaire de centres commerciaux était désormais une possibi- lité. La remise en cause récente de l acquisition de Taubman par Simon Property aux États-Unis pose également le problème de confiance des acteurs mêmes du secteur dans l avenir du modèle. Autant de facteurs qui ne plaident pas pour un regain d appétit à court terme de la part des investisseurs institutionnels pour ce segment de marché, mais qui devraient favoriser l émergence de nouveaux modèles plus à même de répondre aux défis des années à venir. L hôtellerie, en raison de la diversité des modèles économiques et de son empreinte mondiale, est un secteur plus complexe encore à appréhender et pour lequel la reprise attendue sera plus ou moins rapide selon les acteurs. Comme le prouvent notamment les retours d expérience en Asie, l hô- tellerie économique, privilégiée par une clientèle à dominante domestique, connaît naturellement un rebond bien plus vigoureux depuis le début du déconfinement que le haut de gamme, davan- tage exposé au tourisme, y compris d affaires, et à une clientèle plus internationale. L impact de la crise du Covid-19 diffère également selon le modèle économique des opérateurs hôteliers. Parmi les plus fragilisés, citons ceux qui doivent assumer le coût du loyer en plus de la perte opé- rationnelle ; cet effet de ciseau a déjà entraîné un certain nombre de recapitalisations défensives depuis le début de la crise. À l autre bout du
GRAND ANGLE / LES MUTATIONS DU MARCHÉ DE L INVESTISSEMENT
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Par Émile Daher, Managing Director - Real Estate Investment Banking,
Goldman Sachs France
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Septembre 2020 #168 Magazine Business Immo | 21