en fonds propres leurs opérations, quitte à les refi- nancer dans un second temps, une fois la transac- tion conclue. En dépit du contexte anxiogène et du manque de visibilité, nous ne ressentons pas à ce stade, et à l échelle mondiale, de défiance marquée de la part des investisseurs institutionnels envers l im- mobilier. Au contraire même, nous assistons à la poursuite des levées de capitaux par les grands gestionnaires de fonds. Les investisseurs abordent ainsi cette crise les poches pleines ; l avenir nous dira lesquels auront su naviguer finement et tirer leur épingle du jeu dans cet environnement excep- tionnel à plus d un titre.
Une nouvelle prime de risque pour l immobilier Les périodes de crise favorisent à la fois des straté- gies d investissement très défensives et très offen- sives. Les défensifs se replient naturellement sur les actifs les plus core, quand les plus offensifs s aventurent dans des stratégies opportunistes. Le core+ et le value added semblent momentanément délaissés en raison notamment de la difficulté des investisseurs à évaluer correctement les actifs. En pratique, cela devrait se traduire par une certaine résistance des valeurs des immeubles « prime ». En revanche, rien n indique à ce jour que les fonds opportunistes arriveront à trouver des actifs répondant à leurs exigences de renta- bilité. Beaucoup se sont positionnés à l affût dès le premier jour du confinement ; cependant, tant que le système économique restera sous perfusion, les situations de ventes forcées devraient continuer à se faire rares. L une des possibilités qui s offrent aux fonds opportunistes est la Bourse, où la plu- part des foncières cotées ont vu leurs cours dévisser beaucoup plus rapidement que la valeur d exper- tise de leurs portefeuilles immobiliers. De part et d autre de l Atlantique, certains gérants du private equity comme Blackstone, Starwood ou encore Brookfield on déjà sauté le pas en constituant des participations minoritaires significatives au capi- tal de foncières cotées. En cas de reprise rapide de l activité, la revente de leur participation sur le marché leur assurera une confortable plus-value à peu de frais ; et en cas de trou d air prolongé, qui sait, peut-être la perspective de prendre le contrôle de la société et de la délister pour mettre la main sur tout ou partie de ses actifs. Car ce qui les inté- resse, ce sont avant tout les actifs immobiliers. Cet appétit des investisseurs, couplé au niveau actuel des cours de Bourse des foncières, pourrait enfin accélérer le mouvement de consolidation du secteur de l immobilier coté engagé depuis une dizaine d années. Après quelques mois de pause forcée, nous voyons se rouvrir aujourd hui les dos- siers de fusions-acquisitions, certains investisseurs profitant même de cette période de crise pour prendre un peu de hauteur et passer en revue l in- tégralité de leur patrimoine et de leur modèle éco- nomique, sans aucun tabou, si ce n est celui d une éventuelle seconde vague La pierre a encore de beaux jours devant elle.
passer leur tour au profit d autres classes d actifs perçues comme plus résilientes, aux premiers rangs desquelles on retrouve le résidentiel et surtout la logistique. L immobilier logistique apparaît comme l un des grands vainqueurs, si ce n est LE grand vainqueur, de la crise sanitaire, porté par l alimentaire et le commerce en ligne. L appétit pour cette classe d actifs ne se dément pas, en dépit de niveaux de valorisation flirtant avec les plus hauts historiques. La crise a également contribué à mettre sur le devant de la scène l immobilier dit alternatif ; la santé, les data centers ou le storage, encore peu développés en Europe, constituent d ores et déjà des classes d actifs à part entière aux États-Unis.
L immobilier, valeur (post-Covid) refuge Paradoxalement, cette crise pourrait se révéler bénéfique pour l industrie immobilière. La volati- lité des marchés « actions » a renforcé le caractère de valeur refuge de l immobilier pour les investisseurs institutionnels. D autant que, jusqu à présent, une partie au moins du secteur continue toujours d of- frir des loyers sécurisés, stables, voire même avec un potentiel d amélioration. L une des inconnues demeurera cependant l évolution des conditions de financement. Les établissements bancaires ont en effet souvent tendance à se montrer plus fri- leux ; en réponse, de plus en plus d investisseurs commencent à envisager la possibilité de financer
GRAND ANGLE / LES MUTATIONS DU MARCHÉ DE L INVESTISSEMENT
« Les investisseurs abordent cette crise les poches pleines ; l avenir nous dira lesquels auront su naviguer finement et tirer leur épingle du jeu dans cet environnement exceptionnel à plus d un titre »
22 | Magazine Business Immo #168 Septembre 2020