Aucun pan de l immobilier ne devrait sortir indemne de la pandémie qui sévit actuellement aux États-Unis. Avec 40 millions de nouveaux chômeurs en dix semaines, la demande de bureaux et de biens industriels patine. Selon la société de conseil immobilier CBRE, le taux de vacance des bureaux passera de 12 % à près de 15 % en 2020. La chute des loyers dépasserait les 9 %, mettant brutalement fin à une décennie de croissance soutenue. Pour CBRE, si la récession à venir s avère brève et franche, l immobilier de bureaux pourrait retrouver ses niveaux d avant la pandémie d ici 2022. Tout ou presque dépendra de la réaction des locataires : la distanciation physique sonnera-t-elle le glas des rangées de postes de travail, remplacées par plus d espace individuel, ou bien le télétravail deviendra-t-il
la norme, faisant s effondrer la demande ? Tandis que la croissance américaine devrait connaître une contraction historique de 30 % d ici six mois, l absorption des espaces industriels et logistiques risque de suivre la même tendance. Le secteur de la logistique reste toutefois assez préservé grâce au e-commerce qui profite du contexte épidémique. CBRE anticipe donc en 2020 une baisse limitée de 1,5 % des loyers industriels, qui devraient remonter en 2021 et en 2022. L immobilier américain est aussi à la merci de l incertitude politique : investisseurs comme locataires pourraient attendre novembre 2020 pour y voir plus clair sur les orientations économiques et budgétaires avant de s engager.
Le marché immobilier international, entre incertitudes et opportunisme
Au-delà de nos frontières, l immobilier, profondément bouleversé par le Covid-19, peine à se relever dans la plupart des secteurs, exception faite de la logistique qui parvient à tirer son épingle du jeu. Ronan Vaspart, directeur du Mipim, fait le point sur la situation au Royaume-Uni et aux États-Unis.
L immobilier britannique pâtit à la fois du Covid-19 et du Brexit dans un contexte d accélération de tendances de fond qui perturbait déjà le marché. Sans surprise, investisseurs comme locataires ont donc pris le temps de réévaluer leurs priorités. Ce 1er semestre a déjà été marqué par la faillite d Intu, numéro 1 de l immobilier commercial au Royaume-Uni et propriétaire de 17 grands centres commerciaux. Avant même le confinement, la société était en difficulté, grevée par une dette excessive et par l inéluctable essor du e-commerce : les Britanniques plébiscitent en effet les commandes sur internet qui représentent 20 % de leurs achats. Le passage forcé au télétravail interroge en outre sur l avenir de l immobilier de bureau. Avant la pandémie, WeWork, premier locataire de bureaux à Londres, cherchait déjà à libérer certains biens. L incertitude qui pèse encore sur le devenir des services financiers après le Brexit conduit aussi certaines banques, dont feraient partie HSBC, Morgan Stanley et Barclays, à revoir à la baisse leur implantation dans la City. La logistique offre pourtant une lueur d espoir. L essor du e-commerce, tombeur d Intu, est une bonne nouvelle pour les propriétaires d entrepôts, les sociétés logistiques ayant besoin de toujours plus d espaces pour assurer leurs livraisons. La dépréciation de l immobilier commercial ouvre aussi de nouveaux horizons : ainsi, au sud de Londres, Amazon convertit actuellement un ancien Toys R Us de 4 000 m² en entrepôt. Si cette agilité nous semble nécessaire, c est que la complexité du marché parisien doit être appréhendée plutôt que fuie. Savoir concilier l histoire d un patrimoine et son avenir est essentiel pour offrir à tout investissement de véritables opportunités durables. C est dans les situations complexes que les gens se dépassent et que les innovations fusent. C est aussi souvent là que le plus de valeur est créée.
GRAND ANGLE / LES MUTATIONS DU MARCHÉ DE L INVESTISSEMENT
© S
dH al
lo y
Par Ronan Vaspart, directeur du Mipim
ANGLETERRE : ENTRE COVID ET BREXIT
ÉTATS-UNIS : CROISSANCE EN BERNE
parcours professionnel
24 | Magazine Business Immo #168 Septembre 2020