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Les initiatives des foncières peuvent être parfois inattendues. Frey a misé sur le bois. Plus exactement, la forêt. La foncière vise la neutralité en émissions de gaz à effet de serre à l horizon 2030. À cette fin, elle s engage à investir 35 M sur dix ans dans la filière française. La foncière a créé son propre groupement forestier, baptisé FoREY, dont la mission est d acquérir et d exploiter des forêts françaises gérées durablement. Une première acquisition, portant sur une forêt de 104 ha située en Côte-d Or, à Messigny-et-Vantoux. Plus généralement, le groupe entend agir sur l ensemble de ses métiers. En tant que développeur, via l intégration d une majorité de matériaux biosourcés ainsi que la remise en cause des solutions et l optimisation des volumes à construire, mais aussi comme bailleur, en optimisant les bonnes pratiques de ses locataires, et comme foncière, en entamant une réflexion sur la rénovation de ses actifs ainsi que sur les déplacements en voiture des clients de ses sites. Pour assurer le reporting de cette ambition environnementale, Frey s est doté d un nouvel indicateur, le résultat net part du groupe carbone (RNPG), devenant au passage la première foncière française à quantifier l impact financier de son empreinte carbone sur sa rentabilité et à publier cet indicateur extrafinancier audité. Son RNPG carbone 2019 s élève ainsi à 42,8 M (soit un RNPG 2019 de 49,7 M réduit d une charge carbone de 6,9 M ), une charge que Frey entend réduire à zéro d ici 2030.
Les acteurs immobiliers s engagent à « booster » le remploi des matériaux de construction
Quelques chiffres suffisent à mettre en évidence l enjeu du réemploi des matériaux dans la construction. L industrie du BTP produit chaque année 42 millions de t de déchets et gravats issus de la démolition ou de la déconstruction, soit trois fois plus que les ordures ménagères. Si une partie croissante de ces déchets est recyclée, moins de 1 % est « réemployé » aujourd hui, c est-à-dire réutilisé en n étant pas ou très peu transformé. Pourtant, un très grand nombre de matériaux peuvent l être après leur déconstruction, pour tous types de travaux.
Afin de donner une réelle impulsion en faveur du réemploi, plus d une trentaine de grands maîtres d ouvrage lancent le « Booster du réemploi », une alliance d une ampleur inédite en la matière pilotée par A4MT (Action pour la transformation du marché) et l Institut français pour la performance énergétique du bâtiment (Ifpeb). L initiative rassemble investisseurs, promoteurs et utilisateurs.
Le recours à des matériaux provenant de bâtiments déconstruits, sans les transformer (ou très peu), a un impact très net sur le bilan environnemental des bâtiments. Pour 1 000 m2 de surface, le réemploi permet d économiser 44 t de déchets et 67 t d équivalent CO2 (et plus de 1 million de litres d eau). Des performances qui entrent dans les objectifs de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC).
Mais le constat est clair : l offre de matériaux en réemploi est bien structurée, mais pas la demande. L idée du « Booster du réemploi » est donc de massifier la demande pour atteindre un effet de seuil. Chaque membre du « Booster » doit en effet engager immédiatement plusieurs projets pour regrouper la demande de matériaux de réemploi et la rendre visible. Une plate-forme en ligne, conçue par Fabernovel, permettra de centraliser et standardiser les besoins en matériaux de réemploi, aujourd hui difficiles à identifier pour les fournisseurs.
Cette initiative constitue un solide argument pour contrer les partisans du moratoire sur le développement des zones commerciales.
Mais au-delà de la stratégie stricto sensu des foncières, la question de la RSE irrigue tous les acteurs de l immobilier de commerce et interroge les dimensions urbaines du commerce. Plusieurs initiatives sont en cours pour repenser le commerce dans la ville. Citons un seul exemple. Celui de Base commune. L objectif de cette foncière un peu particulière est de créer des rez-de-chaussée pour des activités à impact social avec des services qui manquent au quartier, des ateliers pour continuer de produire en ville, des pieds d immeubles capables d accueillir des événements, de l art, de la culture et bien sûr des commerces. De proximité de préférence. Les rez-de-chaussée gagnent donc à devenir des lieux d intérêt collectif. Pour cela, Base commune vise à faciliter l émergence de nouveaux projets en rez- de-chaussée avec, entre autres, la mise en réseau des futurs occupants avec des
structures partenaires : aides à la création d entreprise, solutions de financement, architectes, designers En parallèle de cette mise en réseau, l accompagnement des futurs locataires se fait aussi du côté financier. Ainsi, pendant les deux premières années de vie du site, tous les espaces sont proposés à des loyers décotés. « Cette décote sera nécessaire durablement pour certaines activités (liées à l artisanat ou la culture, par exemple) ou transitoirement pour d autres (comme un commerce qui se lance). Après ces deux années, les loyers d une partie des espaces augmentent et un nouvel appel à candidatures permet d organiser une rotation des occupants. Une différenciation des loyers est ensuite pratiquée selon les surfaces pour atteindre une grille de loyers adaptés », indique Base commune. On le voit bien. La notion de RSE va beaucoup plus loin que le seul aspect environnemental.