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31 Hors-Série Business Immo Mai 2020

DOSSIER : LA FILIÈRE LOGISTIQUE À L ÉPREUVE DU COVID-19

« La principale difficulté qui s est posée à la supply chain de l alimentaire n est pas venue des flux ou du stockage, mais de la production »

Sursollicitée depuis l annonce du confinement, la grande distribution alimentaire a dû s appuyer sur sa supply chain pour augmenter ses volumes. Patrick Blay, directeur d ITM Logistique, filiale logistique du Groupement Les Mousquetaires, revient sur la façon dont leurs enseignes ont fait face aux conséquences de la crise du Covid-19.

Propos recueillis par Sophie Distel - Photo : © DR

Business Immo : Le Groupement Les Mousquetaires a fait, depuis toujours, le choix d une logistique intégrée. Comment ces filiales se sont-elles mises au service des enseignes durant la crise du Covid-19 ? Patrick Blay : Effectivement, le Groupement Les Mousquetaires maîtrise l ensemble de sa chaîne logistique. Nos deux filiales, ITM LAI pour les produits alimentaires et ITM LEMI pour les autres produits, nous per- mettent d acheter, stocker et transporter nos produits vers nos milliers de points de vente en France, mais aussi en Belgique, au Portugal et en Pologne. Pour l alimentaire, forts d une flotte de 2 300 camions, de plus de 7 400  collaborateurs et d un réseau de 25 bases logistiques, nous livrons en temps normal pas moins de 900 millions de colis chaque année  ! Et pendant toute la crise, face à l afflux dans nos magasins, nous avons dû augmenter la voilure pour per- mettre aux Français de s approvisionner, alors qu ils ne pouvaient plus prendre leurs repas dans les cantines scolaires ou d entre- prise, ou en restaurant.

BI : Comment vous êtes-vous organisés pour faire face à cette hausse des volumes ?

PB  : Nous avions anticipé une montée en stock avec les industriels avec lesquels nous travaillions, mais nous ne nous atten- dions pas à atteindre ces sommets. Dès le week-end précédant l annonce du confine- ment, les clients se sont précipités dans les supermarchés. La semaine du 16, nous avons dépassé le record de fréquentation de Noël 2018, année pourtant exceptionnelle. À ce moment-là, les gens stockent un peu tout et n importe quoi Avec une préférence pour le papier toilette, les conserves et les pâtes. Face à cette explosion des volumes tout à fait inédite, la première étape a été de mobi- liser nos salariés. Très vite, nous avons mis en place dans nos entrepôts comme dans nos magasins toute une série de mesures sanitaires pour garantir la santé de nos col- laborateurs, bien sûr, mais aussi pour éviter l absentéisme. Ainsi rassurée, la quasi-totalité des effectifs a poursuivi son activité. Mais nous avons aussi dû recruter 600 personnes en France pour nos bases logistiques de

l alimentaire (Intermarché et Netto), qui ont été à pied d œuvre 7 jours sur 7. Nous avons fait appel à de l intérim, notamment pour la partie transport, mais aussi pour le drive. Face à l explosion de ce dernier +175 % de commandes certains points de vente ont dû recruter des personnes faisant le picking dans nos rayons afin de livrer les clients directe- ment dans leurs coffres.

BI : Pourtant, des produits sont venus à manquer dans les rayons... Est-ce la supply chain qui a failli ?

PB  : Finalement, la principale difficulté qui s est posée à la supply chain de l alimen- taire n est pas venue des flux ou du stoc- kage, mais de la production. La logistique a pu suivre la cadence. Dès 2012, nous avons lancé des rénovations de grande ampleur de certains de nos sites logistiques. Nous avons pu nous appuyer sur ces sites aujourd hui connectés, automatisés et flexibles, capables d accueillir du frais comme du sec, mais aussi plus confortables pour les salariés qui y œuvrent    pour augmenter les volumes traités. Nous aurions même pu aller encore plus loin. Mais les industriels, eux, ont eu plus de difficultés à augmenter leur voilure. Leurs usines tournant déjà à plein régime toute l année, ils n étaient pas toujours en capacité d augmenter leur production, même sur une courte période. Certains se sont montrés réactifs et ont trouvé des solutions. Ainsi, Panzani, par exemple, fournissait près de 120  références à Intermarché avant la crise. Depuis, ils sont passés à 18 pour opti- miser leurs lignes de production et pouvoir faire croître les volumes livrés. D autres n ont pas pu jouer le jeu. C est donc sur notre capacité à travailler en partenariat avec eux et sur la flexibilité de leur produc- tion qu il faudra continuer de travailler. Et ceci nous conforte dans notre stratégie d in- tégration de toute la chaîne de valeur. Nous sommes non seulement des commerçants, mais aussi des producteurs, avec à notre actif les 62  usines d Agromousquetaires répar- ties en dix filières, le pôle agroalimentaire des Mousquetaires, quatrième opérateur du secteur en France. Et l une d elle, installée à Ploërmel (56) produira d ailleurs des masques dès le mois d août. Nous relançons en effet leur réalisation avec trois lignes de produc- tion pour les masques FFP2 et deux pour les masques chirurgicaux. La production prévue cette année, entre août et décembre 2020, sera de l ordre de 130 millions d unités soit une capacité annuelle de l ordre de 350  à 400 millions de masques. 

Patrick Blay, directeur d ITM Logistique