29 INTERIORS #11 Été 2020
En 2019, l exposition « Nous les arbres » à la Fondation Cartier, prenait le prétexte de l arbre centenaire de la place du village pour raconter des années de conversations entre générations d un même village sur un banc. L ombre d un arbre, un banc pour s asseoir, une boisson pour se désaltérer, tout cela semble aller de soi et pourtant. Dans cette équation en apparence si simple se trouve l équilibre subtil recherché dans toute conception urbaine entre « économie écologie et solidarité ». Ces principes sont essentiels à notre bien-être dans l espace public. Pourquoi faire le choix d une barrière si l on peut mettre une jardinière favorisant la biodiversité ? Plusieurs recherches ont déjà montré comment le contact avec la nature améliore notre santé physique4. Supprimez le café et la boulan- gerie du coin, et c est toute la vitalité d un centre-ville, d une rue, qui se meurt. La préservation de la diversité commerciale, la place laissée au piéton et aux usages ordinaires contribuent tout autant au « genius loci5 » que les espaces bâtis qui les abritent, parce que « l Homme est un animal social6 ».
« Penser ambiance, par-delà l environnement7 » En ville dense, les acteurs publics, privés et les citadins par- tagent la gouvernance collective de ces espaces partagés. L arbitrage a longtemps semblé se faire à la défaveur du citoyen,
4- https://www.lepoint.fr/sante/comment-la-nature-fait-du-bien-a-notre-sante- mentale-29-07-2015-1953183_40.php 5- Norberg-Schulz rapproche la « prise existentielle » du concept d « habiter » élaboré par Heidegger, dans le sens où « l homme habite lorsqu il réussit à s orienter dans un milieu et à s identifier à lui ou, plus simplement, lorsqu il expérimente la signification d un milieu ». Habiter un lieu signifie donc s y orienter et s y identifier. 6- Comme le disait Aristote, nous sommes une espèce sociale. Des découvertes récentes montrent que notre cerveau comporte des neurones miroirs qui nous permettent spontanément d entrer en empathie avec d autres. Cette empathie nous nourrit, elle génère un confort, une appartenance, élargit le corps social au vivant. En tant qu individu, nous sommes un écosystème intégré dans un écosystème plus large. 7- « Penser ambiance, par-delà l environnement, c est s autoriser aussi une approche humaine, émotionnelle et positive des sons, des lumières, des odeurs et des autres combinaisons sensibles offertes d emblée à tous les créateurs d espaces comme à l attention, à la curiosité, ou à l imaginaire des citadins ordinaires. » Pascal Amphoux, Ambiances en débats, Éditions « À la croisée », 1996.
mais ce rapport semble s équilibrer en faveur d une réappro- priation citoyenne. Des exemples sont observables à différents niveaux d implication et au profit de nouveaux outils. La mairie de Paris a fait de l application « Dans ma rue », lancée en 2013, l un des instruments phares de sa politique de gestion de proximité. Les Parisiens peuvent signaler via leur smartphone ou sur le site web, les « anomalies » repé- rées sur la voie publique : graffiti, déchets, rats, crottes de chiens ou objets abandonnés À charge pour les agents municipaux d intervenir ensuite sur le terrain. Et la démarche semble faire ses preuves8, d autres villes comme Baltimore, ou Los Angeles (États-Unis) auraient manifesté leur intérêt pour cet outil numérique. Mais l actualité a révélé à tous que les enjeux du « rez-de- ville », vont bien au-delà de ces problématiques sanitaires de quartier. Il s agit également de préserver et maintenir la diversité économique à l échelle de la rue. À Milan, la ville a piétonnisé certaines rues et accordé une gratuité de six mois sur les places de stationnement pour que celles-ci soient transformées en terrasses de res- taurants. Dans la foulée, les architectes se sont mobilisés pour repenser des dispositifs de terrasse facile à monter, et imaginer du mobilier. En France, le collectif Design for CollectiVe9 cherche à acclimater le modèle pour permettre aux cafés-restaurants de rouvrir dans le respect des règles du vivre ensemble et sauver ce tissu économique fragilisé. L art urbain, par le lien qu il crée entre l architecture, le paysage, et le design permet également de consolider les compositions urbaines et leur confère une identité. Dans la culture anglo-saxonne, Design urbain et urbanisme ne sont pas une seule et même discipline. L espace public y est considéré comme un espace défini à aménager et non pas un espace « ouvert » sans destination. Y sont alors agencés des dispositifs de diverses natures : esthétiques (visuels,
8- En 2018, la ville a recensé plus de 25 000 demandes par mois dont 83 % traitées en 48 h. 9- Collectif porté par l agence Atelier Fois, des citoyens, des architectes et des journalistes (Lionel Blaisse, Christine Hoarau-Beauval, Philippe Trétiack...).
Dans sa volonté d accompagner les villes dans leur démarche de réintroduire la nature en ville, Sineu Graff propose « Steel Garden », une structure esthétique et étendue en acier Corten pour une végétalisation hors sol en zone urbaine.
© S
in eu
G ra
ff