50 INTERIORS #11 Été 2020
stantané DEMAIN, LE BUREAU
Chez Orange comme ailleurs, « tout le monde aimerait savoir à quoi ressembleront nos bureaux demain et quelle sera la part du télétravail. Il est certain qu il en aura une plus impor- tante qu hier, après avoir ainsi fait la preuve de son effica- cité alors même que toutes les conditions n étaient pas réunies. Pour autant, le bureau reste un outil stratégique », souligne Bertrand Jasson, directeur de l immobilier du groupe. « Je suis un homme de couloir et reste convaincu que nous avons besoin de nous rencontrer et nous confronter Alors, peut-être occuperons-nous moins de mètres carrés sur certains sites, mais je pense surtout que nous allons accroître notre exigence quant à la qualité de nos bâtiments. Le bureau doit plus que jamais don- ner envie de se déplacer, permettre les échanges, formels comme informels, soutenir la collaboration, faciliter la circulation de l information, incarner l image de l entreprise, etc. Ce sont ces attentes qui guideront nos schémas directeurs. »
Doper la valeur d usage En effet, toutes les entreprises savent aujourd hui à quel point l immobilier est un vrai sujet de ressources humaines. Le bureau s est imposé comme un outil de travail et de management. « Tout l enjeu sera de ré-attirer vers lui. De générer des flux pour se rencontrer, discuter, apprendre, créer En bref, faire tout ce qu il n est possible de faire qu ensemble », insiste Véronique Bédague-Hamilius. « Les exigences des uti- lisateurs se font de plus en plus pressantes, et de nouveaux cri- tères de qualité s imposent, notamment du côté de la qualité de l air intérieur, point essentiel et pourtant trop longtemps oublié. L appétit d hier pour les espaces extérieurs, les matériaux naturels, le confort, l espace informel, le collaboratif, etc., se fait aujourd hui nécessité », décrypte-t-elle. Ainsi, de l avis de tous, la crise du Covid-19 pourrait se révéler être avant tout un important accélérateur de tendances. Et s il n est pas aisé de savoir si le marché tend à consommer plus ou moins de mètres carrés, il semble surtout chercher « mieux de mètres carrés ». L heure est donc à l augmentation de la valeur d usage. « Tout doit être utile, y compris les lieux de passage ! », estime notam- ment Olivier Estève, directeur général délégué de Covivio. Une tendance que le distributeur Vitra accompagne. « De
la machine à café à la terrasse en passant par le restaurant d entreprises et les couloirs, tous les espaces doivent être pro- pices à la rencontre, à l échange et au travail. C est à cette fin qu ils doivent être pensés et équipés. » « On le voit notamment au sujet des espaces extérieurs. Depuis quelques années, les ter- rasses se rendent accessibles et deviennent, comme les cours et autres loggias, des espaces de travail à part entière que le décon- finement nous fait encore plus apprécier S ils s étaient impo- sés en quelques années comme des must have , ils deviennent aujourd hui réellement valorisables », résume Olivier Estève.
La flexibilité comme clé Et pour pouvoir coller au plus près des besoins et usages, en perpétuelle évolution, le bureau doit se montrer flexible. En termes de contrat d abord, « l immobilier a de plus en plus besoin de pouvoir être consommé comme un service », souligne Stéphanie Fauré de Colliers. Et les tiers-lieux tendent à s im- poser comme le chaînon manquant entre le tout-télétravail et le travail au bureau. « Les sites de coworking offrent aux entre- prises des espaces tampons pour moduler leur besoin en immobilier tertiaire de façon beaucoup plus flexible sur le plan juridique et financier. Ce type de solutions leur offre une agilité précieuse. On le voit bien avec notre offre Wellio, que nous développons en com- plément des surfaces en bail classique dans nos immeubles de cœur de ville », souligne Olivier Estève de Covivio.
La raison d être Mais cette flexibilité doit aussi se retrouver dans les bureaux. « On le voit en ce moment avec la question de la dédensification des usages comme de la nécessité de faire monter en puissance les espaces collaboratifs Un immeuble, pour être durable et résilient, doit pouvoir évoluer pour coller au plus près de la stra- tégie de l utilisateur », estime Véronique Bédague-Hamilius. « Jusqu à maintenant, la rationalisation des espaces se faisait via la densification. Aujourd hui, cette rationalisation va davan- tage se concrétiser via la flexibilité et une nouvelle approche du space planning classique », insiste Olivier Estève. Ainsi, si les impacts de cette crise sont bien difficiles à pré- voir, une chose est sûre, elle laissera des traces. « Il y a eu le 11 Septembre et il reste des tours à La Défense. Il y a eu le Bataclan, et il reste des salles de concert. Le bureau survivra parce que c est ce que font les modèles établis », promet Ludovic Delaisse, directeur général de Cushman & Wakefield France. Mais des résidus durables persisteront. Comme après chaque crise majeure. « Après le 11 Septembre, on a vu fleurir des systèmes de contrôle d accès dans tous les buildings américains. Après les attentats en France, certaines places publiques, en face du parvis du Tribunal de grande instance de Paris, ont dû abandonner leurs projets d arbres et de bancs au profit d un paysage plus minéral, plus froid », rappelle Jean- Frédéric Heinry, président d Altarea Entreprise Studio. Si la question des 4 m2 est court-termiste, le bureau devra malgré tout faire la preuve à l avenir de son utilité, de sa rai- son d être. Et se dessiner comme un hub, une plate-forme, un lieu d expériences et de rencontres, soutenant le travail collectif, diffusant la culture d entreprise, connecté au quar- tier Le bureau n est pas mort. Il poursuit sa mue.
« De l avis de tous, la crise du Covid-19 pourrait se révéler être avant tout un important accélérateur de tendances »