63 INTERIORS #12 Automne 2020
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Ydéal Confluence, un projet mixte porté par Ogic, se veut un laboratoire grandeur nature au cœur duquel les archi- tectes lyonnais Clément Vergely et suisses Diener & Diener Architekten ont imaginé des bâtiments innovants et inspirés de la mémoire lyonnaise. Livré fin 2019, l îlot se démarque notamment par un petit immeuble à la façade singulière rythmée par de grandes arches en pisé, une technique traditionnelle lyonnaise qui utilise de la terre crue. « C était l occasion de remettre ce matériau au cœur d un projet contemporain », note Clément Vergely, son concepteur. Ce bâtiment de bureaux, né de la volonté du promoteur d innover, présente de grandes arches qui baignent les lo- caux de lumière. Un « geste architectural gonflé, reconnaît l architecte, car les arches en pisé traditionnel, ça n existe pas. » Et, de l aveu de Nicolas Meunier, entrepreneur spécia- lisé dans cette technique de construction, le matériau a été poussé au bout de ses capacités. Pour construire un mur en pisé, il faut tasser dans un coffrage un mélange d argile et de gravier avec un gros pilon. Les éléments ont été préfabriqués sur le site même du chantier avec 610 m3 de terre qui provient d un chantier alentour et qui autrement aurait fini à la décharge. La machine de préfabrication mise au point par l entrepreneur a permis de
produire jusqu à quatre grosses briques de pisé, d un poids allant de 1 à 2,5 t qu il a suffi d empiler avec une précision de l ordre du millimètre. Le bâtiment de 1 000 m2 qui s élève sur trois niveaux en a nécessité 280. À l époque où l on parle beaucoup d économie circulaire, la construction en terre présente nombre d avantages : faible consommation énergétique, absence de déchets, réversibi- lité Mais « le gros inconvénient du pisé, c est qu en cas de forte chaleur, tous les voisins viennent chez vous prendre le frais », sourit Nicolas Meunier qui réalise là son chantier le plus ambitieux. Le bâtiment, non climatisé, ne nécessite en hiver qu un modeste chauffage, grâce à ses murs épais qui respirent au fil des saisons. « Historiquement, on bâtissait beaucoup en terre dans la région lyonnaise, le Nord-Isère et le Forez. Et puis les com- pétences se sont perdues, phénomène accéléré par les deux guerres mondiales », rappelle Nicolas Meunier qui a décou- vert ce savoir-faire ancestral au Mali. « Que vous soyez en école de maçonnerie ou d ingénieur, jamais on ne vous en- seigne les techniques vernaculaires. C est béton, parpaing, béton », regrette-t-il avant d ajouter : « les choses évoluent désormais » en raison d un regain d intérêt pour la terre qui présente un bilan écologique exceptionnel.
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