47 INTERIORS #11 Été 2020
ictime collatérale du Covid-19, le travail a connu de sacrées secousses ces derniers mois. Une fois les portes des bureaux closes, il a fallu tout bousculer pour s adapter : les habi- tudes, les modes de collaboration, les outils et
leur usage La mise en distance des individus a mis au défi le collectif qu est l entreprise. Sans pour autant l abattre ! Car bien des entreprises ont réussi à maintenir l activité en télétravail. Sans bureau donc. Il n en fallait pas plus pour que pleuvent les articles annonçant sa mort imminente ! Une prédiction nourrie par les annonces successives de dif- férents grands comptes. De Facebook à Twitter en passant par le plus surprenant PSA, ils sont plusieurs à avoir affi- ché leur volonté de passer au « total remote » c est-à-dire au « 100 % télétravail ». Alors la France entière prendra-t- elle définitivement la direction du home office ? Rien n est moins sûr Au sein d un secteur tel que l immobilier, ins- crit dans un temps long, on peut même dire que ces déci- sions très médiatisées semblent précipitées.
Pas d assignation à domicile Bien sûr, le télétravail a fait ses preuves. « Malgré la pré- cipitation dans laquelle tout le monde a dû fermer, il a fonc- tionné pour de nombreux services ! Si jusqu ici, la demande des collaborateurs était déjà forte, désormais, les entreprises ne pourront plus échapper à une réflexion sur la question », estime Stéphanie Fauré, directrice du pôle Advisory chez Colliers International France. « Les grèves avaient servi de répétition générale ! Le confinement a suivi, et d autres crises viendront (crue centennale, canicule, pollution ). Le télétravail offre une forme d agilité qui restera utile », estime également Isabelle de Ponfilly, directrice générale de Vitra France.
DEMAIN, LE BUREAU Non, le bureau n est pas mort après quelques semaines de
télétravail contraint. Il poursuit sa mue, pour se rendre toujours plus utile. Lieu de rencontres et d expériences, il dope la valeur d usage
de chacun de ses mètres carrés
PAR SOPHIE DISTEL
Mais le home office a également montré ses limites. « Une très grande partie des entreprises tertiaires françaises a mis en télétravail ses salariés, mais aussi en activité partielle. Cela montre que le travail à distance n est pas possible pour tout le monde », constate Emmanuelle Baboulin, directrice de la foncière tertiaire d Icade. Thomas Georgeon, directeur général de la Société de la tour Eiffel, rappelle également les expériences passées d IBM et autres Yahoo. Eux aussi s étaient lancés dans le total remote. Avant de le regretter « Il a fallu s adapter à une situation de crise et le tertiaire l a fait avec succès. Cependant, si nous étions condamnés à éternel- lement télétravailler, cela poserait un certain nombre de pro- blèmes. » Thomas Georgeon s inquiète d abord pour la santé mentale des travailleurs. Mais aussi pour les entreprises qui se retrouveraient vite dans des situations compliquées. « Le home office peut être discriminant. Nous ne télétravaillons pas de la même façon selon la qualité de son logement et de ses équi- pements, sa situation familiale, son accès à des services de proxi- mité Cette situation crée de l injustice sociale. Et manager des personnes en home office nécessite de faire du cas par cas et de trouver un juste équilibre entre la vie personnelle et profession- nelle des collaborateurs. » Pour Véronique Bédague-Hamilius, directrice générale déléguée du Groupe Nexity, non plus : « Ces deux mois écoulés ne devraient en aucun cas dicter les schémas directeurs immobi- liers des entreprises. » La directrice générale déléguée estime que « le télétravail va, bien sûr, se développer et nécessitera des adaptations dans notre façon de concevoir les bureaux comme les logements ! Mais pour collaborer, diffuser la culture d entreprise, se montrer créatif, etc., l humain a besoin de rencontres, de face- à-face. On ne peut pas envisager d assigner les gens à travailler à résidence éternellement ! ».