GRAND ANGLE / FAUT-IL ENCORE CONSTRUIRE DES BUREAUX NEUFS ?
présidente de C&W France. Dans une récente étude, Parella confirme l accélération de deux tendances de fond : 76 % des entreprises interrogées envisagent à court/moyen terme une évolution de leurs surfaces actuelles, et pour 71 % d entre elles, une réduction de mètres carrés.
Démystifier le monde du vivant Le bureau comme lieu de partage et de cocréation devient ainsi LA norme dans le discours et dans les actes des acteurs immobiliers. « Les salariés ont besoin d un hub pour se retrouver physiquement et donner corps à la vie et aux projets d une entreprise. En ce sens, dans un monde de plus en plus virtuel, le réel reprend sa revanche. Le siège social d un groupe devient le manifeste réel de ses valeurs », avancent Guillaume Poitrinal et Philippe Zivkovic, cofondateurs de WO2 et Woodeum. En juin dernier, les têtes pensantes d Arboretum la plus grande opération tertiaire en blanc depuis Cœur Défense ont lancé « les bureaux qui font du bien ». Un protocole sanitaire composé de 12 principes à appliquer aux actifs tertiaires neufs. Douze travaux d Hercule déclinés sous trois volets : un cadre de vie sain, la résilience du bâtiment et les ressources naturelles. Trois piliers qui gagneraient à être repris « massivement » par tous les opérateurs immobiliers pour faire face au défi du siècle : l urgence climatique. « Il est urgent de démystifier le monde du vivant dans la construction de la ville, en particulier dans les projets de bureaux qui sortent de terre », insiste Steven Ware, architecte d Art&Build France. « On ne va pas se mentir : l industrie immobilière n est pas bien formatée pour opérer ce changement de paradigme rapidement », concède-t-il. Le changement est peut-être enclenché, car en dépit du contexte économique anxiogène, Guillaume Poitrinal et Philippe Zivkovic peuvent se targuer d avoir bouclé le financement d Arboretum de 650 M , dont 220 M de fonds propres. « Nous pensions rencontrer des difficultés. Au final, tous nos partenaires investisseurs et financiers ont répondu présents », relate Guillaume Poitrinal. Quoi de mieux, donc, que d irriguer les préceptes du vivant à l intérieur des projets ? Cette doctrine, l architecte la dif- fuse avec ses équipes dans la conception du futur siège mon- dial d Engie à La Garenne-Colombes. Une coproduction de 135 000 m2 de bureaux neufs emmenée par l énergéticien français et Nexity sur une emprise foncière de 9 ha à recycler. « Ici, nous faisons appel aux bienfaits de la biophilie, à une éner- gie 100 % verte et 40 000 m2 réalisés en bois », précise Steven Ware. Un écocampus qui aura séduit, pour plus de 1 Md , l investisseur Swiss Life Asset Manager France fin 2019.
30 000 /m2/an Pour certains investisseurs, l année 2021 promet d être anxiogène. « Nous avons refermé le robinet », concède un banquier de premier plan. « À choisir entre un actif de bureaux neuf très vert et une restructuration haussmannienne à Paris, j opte pour la deuxième option », poursuit-il. Ce choix, le banquier l argumente de la manière suivante : les institutions bancaires n ont pas encore de bonus-ma- lus sous le pied pour « favoriser » les opérations neuves très respectueuses de l environnement. « En finançant ces produits risqués, je cours le risque de voir mon rating bais- ser. » Quid de la valorisation de ces opus tertiaires sous l ère du coronavirus ? « Tout dépend du point de vue où l on se place », estime François Blin. Avec ses équipes, le broker ne constate pas de « réelle décote » sur les Vefa pré- louées. « Sur ce type de dossier, des transactions sont en cours de finalisation à 30 000 /m2/an dans Paris QCA. » Entre nouvelles constructions vertueuses et restructurations de l existant, les arbitrages seront serrés. De quoi changer un peu la question : doit-on mieux construire du bureau ?
JUSTE RÉMUNÉRATION DU RISQUE
Tous les spécialistes du tertiaire accordent leurs violons pour 2021, voire 2022 : les investisseurs, comme les vendeurs, adopteront l attentisme comme religion. Les premiers espérant une baisse des prix sur les produits en risque que les seconds ne souhaitent pas acter. Dès lors, qui prendra le risque du blanc ? « Ce compartiment de marché devrait être réinvesti par des pure players du value added qui vont retrouver une juste rémunération du risque », estime Fabrice Paget-Domet, président de Noe-REIM. Cela semble être une bonne nouvelle : depuis quelques années, le marché assistait au remplacement de ces acteurs court terme au profit d acteurs long terme qui conservaient les produits sous pavillon. « Cette situation aggravait le manque de produits core disponible à la vente. » Investisseurs attentistes, préparez-vous, le marché du valued pourrait s ouvrir.
Fin du principe d unicité du lieu de travail Pour Matthias Navarro, co-CEO de Redman, et l en- semble de ses confrères, l essor du télétravail aura « pour conséquence de réduire la consommation de mètres carrés ». « Cette pratique va participer à ancrer davantage dans la conscience collective que le parc immobilier de bureaux franci- lien dispose déjà d une offre abondante. » L autre idée qui fait également consensus au sein de la communauté immobi- lière : non, le télétravail ne pourra pas être majoritairement généralisé. « La norme qui semble se dessiner pour les métiers de services tourne autour de deux à trois jours de home office par semaine », explique Barbara Koreniouguine. Certains groupes augmentent le nombre officiel de jours télétravail- lés. C est le cas de PSA, qui a opté pour trois jours et demi de télétravail pour leurs salariés du tertiaire, des services supports et d ingénierie. « Entre les espaces de travail priva- tifs et collaboratifs au sein d un même actif, les promoteurs et les foncières devront relever d importants challenges, dont le déploiement de services aux utilisateurs », estime la nouvelle
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24 | Magazine Business Immo #171 Décembre 2020