EN COUVERTURE / VERS DES VILLES DURABLES ET DÉSIRABLES
de plus en plus grandes et denses, les révo- lutions industrielles et technologiques, ont conduit à notre époque dite « de l anthropo- cène ». Une période provoquant de nombreux dégâts sur la nature, et rétroactivement sur les humains, qui en font partie. Période de laquelle nous cherchons à sortir grâce à une révolution écologique désormais engagée, qui doit s accélérer de manière urgente dans les villes. Ces dernières, selon des données de l ONU, représentent en effet seulement 2 % de la surface du globe, mais produisent 66 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Ainsi, si les villes sont les principales actrices du dérèglement climatique, elles en sont aussi les principales victimes. À l heure des records de chaleur, des pics de pollution, de la saturation des réseaux et de la propagation du Covid-19 en milieu urbain, la ville, incapable de composer et vivre avec le climat et ses « humeurs », n a pas bonne presse. Pourtant, plus de 80 % de la popula- tion française est urbaine selon la dernière étude Insee de 2018 et paradoxalement, la densité offerte par les villes est une des solu- tions les plus efficaces en matière d écologie. Vivre en ville permet de réduire les dépla- cements motorisés, à condition d avoir des systèmes de transports en commun et voi- ries dédiés aux modes actifs performants. En concentrant l habitat, la ville permet aussi de limiter l artificialisation des sols. Les sys- tèmes de chauffages urbains collectifs sont plus économes en énergie. Enfin, contrai- rement aux idées reçues, la ville est aussi un grand réservoir de biodiversité, dont les espaces libres représentent un haut poten- tiel facile à améliorer par la résorption des imperméabilisations inutiles. Un monde urbain qui reste aussi le vecteur principal des grandes mutations sociales et sociétales, qu il doit pouvoir continuer d accompagner parce qu il reste « vivant » et « vivable ».
Intégrer la donnée climatique L urbanisation connaissant une croissance extrême, la lutte contre le changement clima- tique se passera dans les zones urbaines et sera menée par ceux qui la fabriquent. Et il faudra pour cela comprendre et intégrer la donnée climat dans les prises de décision pour définir une nouvelle génération d urbanisme dit « cli- matique », qui rapproche la réalité de la ville du monde de la science, de façon à organiser au mieux sa densification et l implantation pertinentes de solutions pour répondre aux effets du changement climatique. On sait par exemple que végétaliser permet d atténuer les effets d îlots de chaleur urbains. Mais encore faut-il savoir où ces phénomènes de chaleur seront le plus à même de se développer à une échelle hyper locale, pour végétaliser là où le retour sur investissement sera le plus béné- fique, tant sur un plan sanitaire que financier.
Partie prenante de la nature, le climat est la donnée indispensable que les collectivités doivent intégrer aux nouvelles réglementations urbaines. Ceci en parallèle d un travail sur le temps long que les urbanistes et architectes ont à mener auprès des scientifiques, pour pousser encore plus loin la conception bioclimatique, en implémentant la data climatique dans les outils de conception paramétrique. Premier opérateur du climat urbain, désor- mais prêt pour son déploiement, Climate City a ainsi imaginé un système inédit d in- frastructure pour l observation et la modéli- sation hyper locale du climat futur à l échelle du quartier. Il est appuyé par l expertise de grands laboratoires internationaux comme la Columbia University et la Nasa aux États-Unis, du soutien du Cnes en France, et de différents partenaires européens du sec- teur météorologique et géospatial. L enjeu : doter les villes d une observation scientifique comprise et acceptée par tous, ainsi que des solutions opérationnelles et concrètes qui pourront en découler, pour que des résultats à long terme soient obtenus. Dans la perspective du One Planet Summit qui aura lieu à Marseille en janvier 2021, des démonstrateurs urbains sont également en pleine élaboration. Ceux-ci représentent autant de réponses novatrices concrètes et
Mimer la nature pour reconfigurer les villes
Réintégrer de la nature en ville pour profiter de tous ses bienfaits s avère nécessaire, mais non suffisant. Parce que le territoire n est pas une cartographie figée, mais un espace mouvant et habité qui doit pouvoir s adapter en permanence à toute perturbation extérieure, repenser la ville par la nature, à l instar du mode de fonctionnement d un écosystème, offre de nouvelles perspectives pour aller plus loin en matière d impact qu une simple quête de neutralité. Observer et mimer la nature quelle que soit l échelle où l on se place ville, quartier, bâtiment ou le sujet que l on aborde matériau, structure, volumétrie, usage permet la mise en place d approches « régénératives », qui aident la ville non seulement à compenser ou à s adapter, mais aussi à réparer pour recréer les conditions du vivant et améliorer les conditions de vie de ses habitants. Prôné par de nombreuses industries comme étant l outil de l innovation du XXIe siècle, le biomimétisme est aujourd hui aussi intégré dans la replanification de certains territoires, et même utilisé comme approche stratégique à échelle nationale. En témoignent l engagement de la région Nouvelle-Aquitaine qui en a fait le fer de lance de son développement, ou encore le dernier rapport publié en juillet dernier par France Stratégie. En France, le Ceebios tisse ce lien entre la recherche et le terrain, pour favoriser l émergence d une méthodologie intelligible et accessible par le plus grand nombre. Apprendre à « faire plus avec moins », comme nous le montre la nature depuis près de 4 milliards d années, permet de stimuler l intelligence « naturelle » en la mettant au service du collectif, et d œuvrer en accord avec la science pour le développement de solutions innovantes et durables pour nos villes.
À ne pas manquer : la découverte du biomimétisme « sous toutes ses coutures » lors de la 5e édition de Biomim Expo ouverte à tous, le 20 octobre prochain à la Cité des sciences.
opérationnelles, pour être en mesure de proposer prochainement aux villes de les accompagner dans leur propre révolution écologique, par la mise en place d une stra- tégie d adaptation puis d anticipation au risque climatique. Aspirons à ce que la ville de demain soit conçue dès aujourd hui comme une entité « vivante ». Plus en union avec notre nature, ses règles et ses cycles, elle doit pouvoir fonctionner en symbiose avec les êtres qui l habitent et inversement. Elle doit s adap- ter aux risques auxquels elle fera face avec plus de résilience, devenir naturellement nourricière pour un équilibre qui limite les consommations carbones liées au trans- port, et ossaturer les microéconomies loca- vores dont elle n a jamais eu autant besoin. Le tout pour offrir in fine une plus grande qualité de vie aux êtres qui y vivent et y tra- vaillent, parce qu elle saura composer avec le plus grand défi de l humanité qu est le changement climatique. La ville est un enjeu majeur, dès lors qu elle est à la fois un laboratoire des maux de la société, mais aussi de ses remèdes, et l on peut la concevoir holistiquement en s appuyant sur sa « raison d être » : « Être une entité vivante et résiliente par l intégration de la donnée climat dans toutes ses composantes. »
Septembre 2020 #168 Magazine Business Immo | 39