GRAND ANGLE / RELANCER LA PRODUCTION DE LOGEMENTS
obligatoire la densité en instaurant un seuil minimal de constructibilité en zone urbaine. « Des propositions que nous avions déjà formulées en grande partie en 2018, rappelle-t-il. Si le gouvernement ne prend pas très vite des mesures à cet égard dans les zones denses, nous nous dirigeons vers une crise, plus uniquement du logement, mais aussi du vivre ensemble. » Même son de cloche chez son confrère Christophe Capelli, PDG du groupe éponyme. « Nous sommes assis sur une poudrière ! L État, les collectivités locales et les grandes entreprises publiques doivent libérer les terrains constructifs partout où cela est possible afin de déployer des programmes équilibrés avec du logement social, de l intermédiaire et du libre. » Selon ses calculs, si la puissance publique venait à vendre ses bijoux de famille en matière de foncier, elle récolte- rait au passage quelque 20 Mds . Pour créer un choc d offre de logements neufs et faire baisser les prix, le député Jean-Luc Lagleize avait proposé, début 2020,
la création des organismes fonciers libres (OFL) pour « cibler les classes intermédiaires et pouvoir vendre au prix réel de construction les appartements. » « Il est important de traduire ce travail parlementaire dans la loi », estime Robin Rivaton.
Réactiver le Pass foncier Quid encore de la fiscalité ? Sur ce point, Alain Dinin suggère d abaisser la TVA de 20 à 10 % pour doper l accession à la propriété en zones tendues autour des quartiers prioritaires de la ville (QPV). « Le rapport Borloo, qui proposait d étendre le péri- mètre de cette zone, tout en conservant la TVA à 5,5 % au cœur des QPV, a été traité avec indifférence par Emmanuel Macron. En tout état de cause, la période qui se profile est inédite : crise de l offre par manque de projets et crise de la demande par désolvabilité des acquéreurs et frilosité des investisseurs. » Le PDG de Nexity rappelle au passage que les taxes diverses représentent 32 % du prix de vente d un loge- ment neuf. Du côté de l Union nationale des amé- nageurs (Unam), son président, François Rieussec, invite Bercy à « réactiver le Pass foncier » à destina- tion des ménages à revenus modestes.
Souplesse Pour éviter les scénarios catastrophes, Alexandra François-Cuxac planche à l écriture d un plan de relance du secteur. Bien qu elle entende « réserver la primeur de ses propositions au ministre du Logement une fois le remaniement acté », la figure de proue de la FPI nous confie vouloir proposer la mise en place de mesures de « court terme » via notamment les dis- positifs de prêt à taux zéro du Pinel pour soutenir la demande et doper l accession et l investissement locatif. « Je ne demande surtout pas d aide publique, rétorque Hervé Legros, PDG d Alila. Une nou- velle loi de défiscalisation aurait pour conséquence de produire encore du logement trop cher et inadapté. » Rappelant que 2,5 millions de personnes attendent un logement social, ce fervent défenseur du loge- ment pour tous persiste et signe : « Notre problème ce n est pas de vendre des logements, c est de les construire ! Ce que nous voulons, c est de la souplesse dans les procé- dures et les délais administratifs. » À commencer par les recours des tiers sur une opération neuve. Selon le promoteur lyonnais, il faut réduire à un mois au lieu de deux la possibilité d actions envers un permis de construire. Ensuite, il propose de rame- ner les délais légaux d instruction de ces permis à deux mois contre trois aujourd hui y compris pour les secteurs ABF. « Je propose aussi un système constructeur-payeur dans lequel un promoteur peut payer une redevance spéciale à la ville pour que son dossier soit traité rapidement. » Ces mesures parmi d autres pourraient, selon Hervé Legros, permettre de « construire un million de logements en France d ici 2022 avec zéro euro d aide publique ».
Digitaliser davantage Pour surmonter la crise, l ensemble des acteurs de la fabrique de logements neufs et des observateurs du marché se rejoignent sur une mesure non négli- geable : accélérer la digitalisation de la profession pour gagner en productivité et, par la même occa- sion, simplifier le millefeuille administratif. « La crise offre une opportunité extraordinaire pour digitaliser davantage et rendre productif un processus d urbanisme extrêmement lourd, car il fait intervenir de multiples parties prenantes, avance Robin Rivaton. Pour cela il faut un outil unique. Je pense que c est à l État de le déployer ! » Toujours dans l optique de doper le logement du neuf sur le long terme, le fondateur de Real Estech propose d assouplir les contraintes d urbanisme qui « dans un contexte de réévaluation des actifs sont un frein ». « Je pense notamment à la pos- sibilité de transformer des zones de développement ter- tiaire en zones de développement résidentiel et densifier même légèrement les permis de construire pour alléger les bilans des opérations de promotion », intervient-il.
Ligne directrice À la question « faut-il révolutionner la manière de construire des logements ? », Christian Cléret, pré- sident du groupe Novaxia, répond : « certainement ». Tout en dénonçant l approche « trop court-termiste » de l État, des élus locaux et de l industrie immobilière
« L État, les collectivités locales et les grandes entreprises publiques doivent libérer les terrains constructifs partout où cela est possible afin de déployer des programmes équilibrés avec du logement social, de l intermédiaire et du libre »
- Christophe Capelli, Capelli
Lire l interview d Alexandra François-Cuxac, FPI
21 | Magazine Business Immo #167 Juillet 2020