leurrer par l idée que le smart building sera la réponse à tous nos problèmes. » Pour assurer la pérennité d un portefeuille immobilier, la réponse des investisseurs immobiliers ne doit cependant pas seulement passer par la rénovation de leurs actifs, mais aussi par une réflexion sur leur exploitation. « Pour réduire l impact environnemental, la façon la plus simple est de faire en sorte que les immeubles deviennent obsolètes le plus tard possible, estime Catherine Papillon. Ceci implique de conce- voir des bâtiments résilients, flexibles, réversibles et qui s adapteront dans le temps aux usages, y compris à ceux que l on ne connaît pas encore, afin d éviter de devoir les reconstruire dans 20 ou 30 ans. » Ainsi, l exploitation des immeubles, qu ils soient neufs ou anciens, peut être revue afin que leur fonctionnement et les services qu ils proposent répondent aux attentes des utilisateurs. D autres pistes d innovation peuvent être suivies sans entrer pour autant dans une logique constructive, par exemple la mutualisation des espaces : « Pendant l ex- ploitation, il faut trouver des business models, des modes de fonctionnements, des services ainsi que des espaces permettant de réduire l empreinte carbone et d inclure le bâtiment dans le tissu urbain, stipule Catherine Papillon. On pour- rait imaginer qu un immeuble de bureau puisse vivre 365 jours par année, 24 heures sur 24, en mettant les mêmes espaces au service de différents acteurs à différents moments de la journée. » Or, le comportement des usagers est peu abordé par les démarches gouvernementales encadrant la transition écologique du secteur immobilier, déplore Benjamin Dekester, directeur associé chez Ekodev : « Dans le décret tertiaire, le terme comportement n est utilisé qu à une seule reprise. Aussi, par effet de chaîne, les usages des occupants en sont un peu le parent pauvre. Il existe pourtant des économies très importantes à obtenir en s engageant à changer les comportements, qui offrent un retour sur inves- tissements très intéressant puisque ceux-ci sont quasiment nuls. » La conduite du changement n est pas simple pour autant, puisque les utili- sateurs ont souvent peur que des accommode- ments se traduisent par une perte de confort, et nécessitent un dialogue entre exploitants et occupants, continue-t-il : « Il est important de les impliquer dans la démarche pour que chacun comprenne qu il a sa part à faire et que celle-ci peut lui apporter aussi des bénéfices. » Une approche collégiale aussi indispensable à une fabrique de la ville durable, conclut Catherine Papillon : « Les grands appels à projets nous ont appris qu il est important de ne pas travailler en silo, mais au contraire de s associer les com- pétences d experts, notamment des sociologues ou des climatologues, nous éclairant sur des prospec- tives autres qu économiques et nous permettant d ouvrir notre esprit. C est en réfléchissant et en travaillant collectivement que nous arriverons à identifier les scénarios et les tendances permettant la résilience de nos actifs. »
Le vrai coût d un bâtiment
Le secteur du bâtiment, représentant 26 % des émissions de gaz à effet de serre (EGES) du pays, est un enjeu clé pour atteindre les objectifs ambitieux de neutralité carbone de la France à horizon 2050. Dans ce cadre, l Ademe a rendu un rapport baptisé Obec (Objectif bâtiment énergie carbone), se basant sur 130 projets accompagnés en conception et 224 calculs E+C- réalisés (énergie positive et réduction de carbone) depuis 2017, dont 48 % en résidentiel et 52 % en tertiaire. Le rapport révèle que les « produits de construction et équipements » (PCE), mis en œuvre pour la réalisation d un bâtiment et l aménagement de sa parcelle, sont les premiers contributeurs aux EGES à hauteur de 65 à 85 % (sur l ensemble du cycle de vie du bâtiment). L énergie est le deuxième contributeur (entre 15 et 30 % en fonction du type d énergie utilisé).
Le recours à la biomasse ayant un impact en moyenne sept fois moins élevé que le gaz, par exemple. Enfin, les chantiers et l eau contribuent aux EGES à hauteur de 1 à 5 %. Le rapport indique également que l ajout de panneaux solaires photovoltaïques engendre du poids carbone, non compensé par le gain d énergie créé. En revanche, un autre gain en matière de poids carbone, compris entre 5 et 50 %, peut-être réalisé en ayant recours au bois plutôt qu au béton. Au total, au bout de 50 ans de « vie », selon l Observatoire de l immobilier durable (OID), un immeuble de bureau aura émis au total 3,9 teqCO
2/m 2, dont 2,3 teqCO2/m
2 en travaux et 1,6 teqCO2/m
2 en exploitation. Sachant que 1 t de CO2 est relâchée pour chaque aller-retour Paris-New York en avion, par exemple, un bâtiment de 10 000 m2 relâcherait alors autant de CO2 dans l atmosphère que 39 000 allers-retours. //IB
Source : Ademe
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Juillet 2020 #167 Magazine Business Immo | 46
EN COUVERTURE / CLIMAT : L HEURE DU VIRAGE ?