Investissement : ça devient chaud !
La décennie 2010 comprend huit années parmi les dix les plus chaudes depuis que nous enregistrons la température du globe. L année 2020 n y déroge pas, selon l organisme américain NOAA, il y a 50 à 75 % de chance qu elle obtienne le palmarès de l année la plus chaude et 99 % de chance qu elle soit dans le top 5. Il y a quelques jours seulement, la ville sibérienne de Verkhoyansk a battu les records de température dans le cercle arc- tique avec une température à plus de 38 °C qui entraîne la fonte des glaces et des émis- sions de méthane, 20 fois plus nocives que celles du CO2 selon la Nasa. À titre com- paratif, la même température était enre- gistrée à Las Vegas le même jour. L impact physique du changement climatique est une réalité tragique qui a des répercus- sions sur tout type de vie sur terre et sur l économie mondiale. Les modélisations mises en place par les scientifiques et les assureurs avec un scénario d augmentation de température de 4 °C démontrent que le monde ne serait pas assurable. BlackRock estime notamment une augmentation des risques de catastrophes naturelles de 275 % d ici 2050 en l absence de réduc- tions d émissions de CO2. Pour contex- tualiser, il s agit d événements comme les trois tempêtes Harvey, Maria et Irma qui, en l espace de deux mois, ont coûté aux États-Unis 280 Mds$ en 2017, soit l équivalent des recettes annuelles de l État français. Comment cela est-il en train de
transformer le monde de la finance et de l industrie immobilière aujourd hui ? Pour un contribuable, il n est pas percep- tible de manière évidente qu une grande partie des biens de l économie mondiale sont détenus par des investisseurs ins- titutionnels qui regroupent des assu- reurs, des caisses de retraite et des fonds propres et assimilés. Les caisses de retraite des fonctions publiques en Hollande, en Californie, en France ou bien dans l État de New York ont toutes des visions de long terme et devront répondre aux besoins fondamentaux de leurs citoyens. Dès lors que les détenteurs de capital prennent des mesures de gestion de risque climatique, les asset managers doivent respecter leurs critères d investissement et mettre en place des stratégies de réduction des risques cli- matiques et de durabilité. Comment cela vient-il révolutionner la gestion de por- tefeuilles immobiliers ? Comment faut-il s adapter ? Qu en est-il des évaluations financières ? À la fin 2019, 24 des plus grands inves- tisseurs immobiliers du monde ont signé les engagements climatiques du Better Buildings Partnership (qui regroupe 35 membres représentant 240 Mds£ d actifs sous gestion). Ces engagements incluent la publication de la stratégie pour parvenir au statut net zéro carbone (NZC) par chaque membre d ici à la fin 2020. L empreinte carbone des projets de construction et la hiérarchie énergétique
selon laquelle il faut réduire, produire et compenser, y seront mentionnées. D ici à 2022, chaque signataire devra publier ses plans d adaptation et de résistance aux effets du dérèglement climatique. Une grande partie des signataires a des actifs en France. La neutralité carbone est une réa- lité qui est en train de se mettre en place et transforme notre secteur. C est dans ce contexte que sous le leadership d Allianz et des Nations Unies, la Net-Zero Asset Owner Alliance a été créée pour viser la neutralité carbone de presque 5,000 Mds$ d actifs. Certains désirent l atteindre pour 2030, d autres 2040 ou 2050 (pour répondre aux régulations mises en place par les États). Aujourd hui dans l immo- bilier, cette dynamique est tricéphale, elle vient des partenaires détenteurs de capital, des locataires et des régulations étatiques. Elle n est donc plus une option pour les asset managers, mais une condition sine qua non. Jusqu à présent, les démarches en matière de responsabilité environnementale et sociétale étaient mises en place à travers une dynamique émotionnelle. Aujourd hui, la dynamique a totalement opéré une tran- sition vers la mise en place de stratégies pour répondre au réchauffement clima- tique induit par les activités humaines. Tout comme le dit John Kerry, je pense que nous connaissons tous aujourd hui les effets et impacts du dérèglement cli- matique, et les preneurs de décisions qui
Dans ce contexte de réalité physique et scientifique et de shift stratégique, l industrie immobilière entière doit se mobiliser pour changer d approche. D autant plus que la nouvelle économie représente une opportunité monumentale...
Par Étienne Cadestin, Managing Director, Longevity Partners
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41 | Magazine Business Immo #167 Juillet 2020
EN COUVERTURE / CLIMAT : L HEURE DU VIRAGE ?