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EN COUVERTURE / DÉFI N°3 : FAIRE RÉDÉMARRER L ACTIVITÉ

Un plan Marshall pour l industrie immobilière

« Il faut que l on règle une bonne fois pour toutes la question des recours. Sans remettre en cause le droit légitime des citoyens à en former un contre une opération immobilière, il faut que les recours puissent être traités dans des délais raisonnables. Il n est plus acceptable que des opérations soient décalées parce que des juges mettent des mois, voire des années, pour statuer sur la recevabilité d un recours. Il faut créer une juridiction dédiée, avec des magistrats spécialisés pour raccourcir le délai d instruction des recours en contentieux et ainsi accélérer les process d instruction des autorisations de construire. Nous demandons également au gouvernement de redonner un nouveau souffle aux bailleurs sociaux qui sont des acteurs clés dans la production de logements. Il faut leur redonner le goût et les capacités d investissement. Nous plaidons également pour mettre fin à la surenchère des fonciers et proposons que les collectivités puissent réguler les prix du foncier. » - Fabrice Alimi, FFPI

suppression de la co-activité sont, par exemple, presque impossibles à mettre en œuvre, expose le dirigeant d entreprise. Le premier prérequis pour une reprise est que les entreprises aient à disposition le matériel nécessaire au respect des consignes sanitaires. Nous ne disposons pas, à ce stade, des masques ou de gels hydroalcooliques en quantité suffisante pour nos salariés. Le second prérequis porte sur la confiance des ouvriers, car il est difficile de comprendre la décision de reprendre le travail alors même que le confine- ment n est pas terminé. »

Comment rebondir ? Au-delà des doutes et des craintes qui entourent la reprise des chantiers dans l im- médiat, la question du jour d après demeure entière. Les maîtres d ouvrage peuvent travail- ler à l élaboration de projets, mais sont dans l attente auprès des collectivités de l instruc- tion des permis de construire et restent dans le flou sur le redémarrage des projets en cours. « L instruction des permis de construire est pétri- fiée pour plusieurs mois », s insurge l architecte Rudy Ricciotti dans une tribune au vitriol. Le président de l Unam, François Rieussec, considère que la vigueur de la reprise « dépen- dra des moyens que l État acceptera de mobiliser pour accompagner le redémarrage de la filière et relancer la demande. Le moment venu, Bercy acceptera peut-être de revenir sur la suppression du PTZ, de l APL Accession et du Pinel, ou de réactiver le Pass foncier ! Le gouvernement a lancé plusieurs chantiers avec la loi Élan, le plan Action cœur de ville il y a un an. Le plan centres- bourgs et petites villes de France a été annoncé pour septembre, la réflexion sur l objectif zéro artificialisation nette (ZAN) est en cours, les grands chantiers de la rénovation et du réamé- nagement de l existant le sont également. Du travail, il y en a ! » Quand la reprise sera réellement amorcée, quid des coûts et des délais de livraison ? Ces questions devraient dépendre de chaque opé- ration. Celles qui n auront pas de contraintes fortes sur le calendrier ne devraient supporter que le surcoût des mesures sanitaires sur les chantiers. En revanche, celles dont la date de livraison est intangible feront probablement l objet de demandes appuyées des maîtres d ouvrage aux constructeurs pour tenir les délais, entraînant des dépenses importantes, notamment en heures supplémentaires. « L application à la lettre des gestes barrières va inévitablement peser sur la productivité des chan- tiers. Or, les maîtres d ouvrage ont déjà bouclé leurs budgets. Ils vont probablement participer à une partie de ces surcoûts, mais ne pourront pas payer la totalité de l addition », alerte Fabrice Alimi, président de la Fédération française des clubs immobiliers (FFCI). « Si une accéléra- tion est nécessaire pour terminer le chantier dans

un temps très court, il faudra s accommoder de l absorption d un surcoût et se mettre d accord pour chaque contrat avec le maître d ouvrage. Mais il n est pas du tout inenvisageable que cer- tains contrats ne puissent pas redémarrer, faute d accord. C est pour cela que j en appelle aux pouvoirs publics pour réguler le marché, en don- nant des méthodes d évaluation des coûts, par exemple, ce qui fluidifierait les futures discussions entre constructeurs et maîtres d ouvrage », ajoute Vincent Legendre. Même son de cloche du côté des promoteurs, où le soutien de l État est loué pour la prise en charge du chômage partiel et les prêts garantis.

Les chantiers du monde d après Parce que les conséquences de la crise du Covid-19 ne seront pas qu économiques, les acteurs du bâtiment et de l aménagement s interrogent sur les enseignements à tirer de cette période. Pour François Rieussec « il faudra assurément repenser notre modèle d ur- banisme et adopter une politique ambitieuse d aménagement de nos territoires. Tour et à tour, de façon systémique sur chaque opération, il s agira de répondre aux impératifs du climat, de la préservation de la biodiversité, de l économie d énergies carbonées, des écomobilités, de la santé favorisée pour les habitants. Sans oublier, bien sûr, les problématiques d habitat abordable ».

Fabrice Alimi appelle quant à lui à un plan Marshall pour le secteur et la mise en place d un haut-commissariat à l industrie immobi- lière (voir ci-dessous). Les chantiers aussi pourraient faire leur mue. Dans le cadre d un projet d extension d une usine dans l Est de la France, pour lequel travaillent des entreprises allemandes et fran- çaises, le bureau d étude Drees & Sommer avait déjà appliqué une méthode de gestion de projet appelé Lean construction management (LCM). « Dans le domaine de la construction, les experts LCM raisonnent par corps de métier et lots pour définir un processus fluide et effi- cace afin d optimiser les ressources et le temps de travail. Cela peut permettre de faire un point quotidien sur l organisation des équipes et des tâches au vu de l effectif disponible, repenser le plan de circulation et limiter les travaux en espaces restreints ou réorganiser la réception du matériel et des matériaux pour éviter les contacts physiques », exposent-ils. Vincent Legendre se veut plus mesuré sur la question : « Cette crise ne va pas nécessairement changer les choses, car nous sommes déjà de plus en plus impliqués dans une transformation, et les chantiers deviennent déjà des zones d assemblage. C est une transfor- mation lente, car elle fait face à beaucoup de contraintes, mais qui est déjà entamée depuis plusieurs années ».

Lire l interview

Lire la tribune de Rudy Ricciotti

Mai 2020 #165 Magazine Business Immo | 68